mardi 1 janvier 2019

Que se passe t il dans nos villes et nos campagnes ?

A cette date l’avion et les techniques radio récentes ont déjà révolutionné les moyens d’action des belligérants de la seconde guerre mondiale ,imposant des changements essentiels à la nature ,au déroulement et aux formes de la lutte
clandestine
.On peut dire que la BBC (radio de Londres à destination des nations occupées)que chacun écoutait discrétement régle l’ existence de la plupart des français tout au moins pour ceux qui accordent la plus grande confiance aux alliés en écoutant les nouvelles transmises par Robert Schuman , Jean Marin , Pierre Jourdan .Pierre Dac
Pour ce qui est de la lutte clandestine organisée par les réseaux de résistance une évidence s’impose , les conquêtes techniques constituent des atouts aux effets incalculables .

Que pouvait faire la résistance si les combattants de l’ombre même pourvus d’un courage exceptionnel n’avaient eu pour eux la voie des airs ,sans la possibilité offerte de la sorte à la France libre et aux alliés de pénétrer au coeur d’un territoire occupé par l’ennemi , en rivalisant avec les dangers de la mer , les défenses des frontiéres et des fortifications ,
Comment les groupes de résistants pouvaient ils communiquer avec nos futurs liberateurs ,
Recevoir du ciel par une nuit de pleine lune ,quel que soit le temps ,des armes ,des munitions des medicaments … tel ést l’enjeu de cette lutte qui oppose sur terre et dans les airs la Luftwaffe ,la flak allemande ,la wehrmacht , les bombardiers anglais ,et les résistants combattants de l’ombre disséminés dans les maquis

Les messages de la BBC

Sans la télégraphie sans fil ,sans les émissions des radios clandestins éparpillés à travers la France ,sans les écoutes de Londres ,sans les messages personnels de la BBC ,comment auraient pu s’effectuer les liaisons , se transmettre les instructions , s’échanger les renseignements ?

. Chaque soir les messages les plus sybillins abondent sur la BBC que beaucoup de français écoutent discrétement avec la crainte permanente d’être surpris

Un message secret de la radio de Londres annonçe le lieu d’un parachutage et la date du rendez vous adressés à differentes équipes sur le qui vive mais conscients du danger

L’heure du rendez vous

. Pour etre présent au rendez vous et echapper aux tirs de la DCA et aux chasseurs de nuit de la Luftwaffe , l’avion anglais doit naviguer feux éteints dans la pénombre ,reperant les points stratégiques ,lacs ,ponts , lignes de chemin de fer, cours d’eau , villes calfeutrées ..enfin toutes sortes de signes distinctifs avant de trouver enfin un terrain identifié par la présence au sol de lampes torches formant une lettre de reconnaissance Il s’agit de larguer à cet endroit précis les containers de munitions et de médicaments attendus par les résistants
Au cœur de ces paysages grandioses et inconnus , obscurcis par la nuit il faut à tout prix trouver le terrain défini par differents codes et le contenu d’un message secret

Ignorant cette guerre de l’ombre pendant cette période d’occupation ,un soir de clair de lune je vis un lourd bombardier passant à basse altitude tous feux éteints au dessus de la ville …surprise totale ! quel était donc cet avion bruyant bravant la chasse de nuit allemande  
J’ ai compris tardivement , quelques mois après la liberation la signification de ces vols de nuit mystérieux .Le parachutage d’armes et de munitions indispensables à la resistance ornaise …. Telle était la mission de ces bombardiers en plein territoire occupé … au nez et a la barbe des DCA germaniques et bien sûr des chasseurs de nuit de la Luftwaffe toujours aux aguets ..

Qui devions nous admirer le plus en ces nuits de pleine lune ..le sang froid de ces équipages de la RAF ou la détermination des comités de récéption au sol composés d’hommes  au courage énorme , conscients du danger mais prés à se sacrifier pour la cause de la résistance

L’équipe Tessier de Tanville ( le pére «  le sanglier «  et ses deux fils surnommés   les marcassins ) parcourut de longues randonnées en forêt , dormant à proximité  des lieux de parachutages dans des conditions extrémement précaires, bravant les intempéries mais surtout la menace permanente des patrouilles allemandes conscientes de la présence de ces réseaux clandestins Les équipes de réception dés la récuperation au sol des précieux containers dissimulaient provisoirement les objets tant attendus dans les buissons ,sous une couche de feuilles mortes ou de fougéres ou au creux d un fossé Une véritable d’existence d’homme des bois …

Encore fallait il un moyen de transport approprié et une cache adaptée pour conserver en toute sécurité ce matériel facilement repérable

Avions ravitailleur de maquis abattus en cours de mission dans notre département


Avant et après le débarquement du 6 Juin 1944

En général ces avions britanniques étaient lourdement chargés et le fait de voler à basse altitude représentait un handicap certain .

Le 12 Août 1943 un Halifax du 138 eme squadron basé à Temsford et en mission SOE ,touché par la flak volant à une altitude de 500 métres s'abattait vers 23.30 heures dans un herbage en bordure Est du bois du Frileux ,commune d'Ecorcei (Orne)
L'avion ravitailleur de maquis préparait un lancer de parachutes pour le réseau clandestin Spruce 20 /21
Deux aviateurs Foster et Cameron furent tués et inhumés au cimetiére d'Ecorcei ,
Trois aviateurs griévement brûlés se rendront aux allemands aprés s'être réfugiés au chateau des Graviers Deux autres Scott et Trusty réussissent à s'échapper vers le village des Genettes puis vers Moulin la Marche

Concernant un Halifax de la RAF et du même squadron chargé également d'une mission de parachutages un témoin se souvient le 17 Août 1943 avoir vu un avion pris dans les projecteurs de la DCA .de la flak d'Aube Saint Esprit " Celui çi volait si bas que l'on apercevait les hommes à bord . L'avion toucha la ligne à haute tension , explosa puis s'écrasa sur la commune d'Aube prés du lieu dit " Les vallées ".Des explosions s'en suivirent pendant plusieurs heures . L'appareil transportait des munitions et des pigeons voyageurs destinés au maquis dans le cadre d'une opération du réseau
Le pilote Norman Hayter de nationalité australienne et quatre aviateurs anglais furent tués sur le coup Les deux survivants les sgt WS Davies et JA Hutchinson décéderent de leurs brûlures et seront inhumés au cimetiére de Bernay
En 1944 plusieurs bombes tombérent à l'endroit du crash .Elles visaient certainement la batterie allemande située à proximité

Les américains sont venus à la rescousse …Le 5 Avril 1944 un Liberator du 801 BG et du 406 BS touché par la DCA de Berniéres le Patry ( Calvados s'abattait au lieu dit "Les Haieries " ou Anfernel ( 3 kilométres au nord ouest de Tinchebray ) Ce bombardier de l'USAF en mission SOE avait décollé de Harrington à 22 heures pour ravitaillet le maquis de Sainte Marguerite ? Six membres d'équipage seront tués lors du crash et inhumés à Truttemer le grand
Le lieutenant Kalbfleisch rescapé témoigne " Nous volions à 300 métres d'altitude a la recherche des feux posés par le réseau de resistance lorsqu' un obus a touché le compartiment du navigateur A150 métres nous avons sauté et l'appareil s'est écrasé aussitôt aprés . Les allemands nous ont tiré dessus pendant que nous descendions . Je n'ai pas eu le temps de cacher mon parachute et je l'ai jeté dans une riviére proche .
Le sergent Porter autre rescapé est tombé à proximité des batteries de DCA allemandes" J'ai passé une haie , je l'ai suivie en courant en passant prés de plusieurs piéces de DCA à ma gauche , et à ma droite ...évitant ainsi de justesse ceux en fait qui nous avaient abattus "

Le 11 Avril 1944 vers 23 heures 15 un Halifax en mission de ravitaillement des maquis de la région touché par la DCA , passait en flammes au dessus du bourg de la petite Savetiére ( Commune de Sainte Gauburge ) en éclairant les maisons d'une immense lueur . Ses moteurs tournant à plein régime ,Il s'écrasait à environ 200 métres de la route de Paris . On retrouvera dans les débris une grande quantité de produits pharmaceutiques , postes radio .
destinés au maquis Les huit membres de l'équipage Anglais et Canadiens sont enterrés à Saint Hilaire sur Rille prés de Aube ( Orne )

Dans la nuit du 9 au 10 Mai 1944 un short Stirling du 90 eme squadron basé à Tudenham Suffolk est touché par la batterie de Berniéres le Patry et s'écrase vers 23 heures 45 à Saint Jean des Bois ( Tinchebray )
Trois hommes d'équipage sont cachés dans la forêt de Gers ( Témoignage de André Rougeyron )et ravitaillés par un cultivateur Henri Durand habitant les Gériers Nous partons pour la forêt et aprés plusieurs appels découvrons trois gaillards bizarrement accoutrés s'approchant craintivement
Il s'agissait de Ph Green , Royston John et de Charles Potten ...
Par la suite j'apprends que le docteur Ledos a été arr^té , et je demande à Bourgoin d' abriter mes pensionnaires à l'Ermitage
Green témoigne "C'était mon 31 eme vol et nous avions pour mission de lâcher armes et approvisionnement sur un terrain situé dans le sud de la France
Nous devions effectuer ce trajet en respectant un horaire rigoureux , franchir la côte immédiatement aprés le crépuscule et au retour être hors de France avant l'aurore . Nous volions prés du sol sans avoir éveillé exagérément les défenses allemandes Nous avons été touchés par la DCA ( Il s agissait de la DCA de Berniéres le Patry ) Moteur tribord en feu , moteur babord hors d'usage . Trop bas nous ne pouvions sauter en parachute . Il fallait donc s'écraser avec la machine ...
L'un aprés l'autre nous sommes sortis dans l'herbe longue et drue ,Une bonne terre de France ferme et sûre  temoignera l un des rescapés

Témoignage personnel

Le 16 Juillet 1944 alors que nous étions réfugiés à Bursard nous apprenons qu'un bombardier venait de s'écraser de nuit prés de Larré au lieu dit " La Chouannerie "
. C'était un Halifax qui dans le cadre d'une mission SOE devait larguer ses parachutes sur le terrain "' Goudron " situé prés de Radon en bordure de la forêt d'Ecouves Mais les allemands avaient semble t il déplaçé les feux de balisage L’avion trompé ne put éviter la flak Les munitions stockées à bord explosérent une grande partie de la nuit
Nous trouverons dans la forêt un poste émetteur certainement destiné au réseau de résistance local

Rappelons quelques messages diffusés par la BBC parmi tant d’heures d’écoute mais generalement vers 19 heures et destinés aux résistants de notre région Chaque français rempli d’espoir écoutait les avec attention mais sans pouvoir deviner leur signification


CI LONDRES, LES FRANCAIS PARLENT AUX FRANCAIS...

«  Chaque tiroir a sa clé « 

« Noémie a un bouquet de violettes « 
« Elle a cueilli de pleins paniers de fraises « 
« Nous aimons le civet « 
Qui ne connaît pas au moins quelques-uns de ces messages ? Derrière une phrase amusante ou bizarre se cachait souvent une grave décision : la préparation d’un atterrissage, la réception de matériels ou d’hommes parachutés, ou même l’organisation d’opérations de guérilla....

Dans notre département Edouard Paysant fut le chef de cette organisation dénommée le BOA et créée par Londres… . je suis fier de l’avoir connu Sa silhouette d’homme tranquille ,,présente aux abords du terrain de sport des Ormeaux ne pouvait me laisser soupçonner une telle responsabilité , lourde de dangers , à la merci de trahisons inattendues ou de bavardages imprudents C’est en Aout 1943 lors de son départ précipité de notre région que j’ai mesuré l’importance et l’efficacité de son œuvre


Les terrains sélectionnés et acceptés par Londres étaient soigneusement préparés avant de demander une opération aérienne qu’ elle soit de parachutage ou d’atterrissage Il fallait d’abord rechercher l’endroit où elle pourrait être effectuée avec le maximum de chances de réussite et la plus grande sécurité possible pour les hommes du comité de réception Les normes exigées de ce que l’on appelait «  le terrain » variaient selon le genre d’opération auquel il était destiné ( voir ci après )

Extrait de « Clandestinités » de Andre M azeline


«  l’âme du BOA fut Edouard Paysant ( pseudo Dominique Tinchebray )de Sées à qui Robert Aubin confia ce service en mars1943

E Paysant déploya une activité inlassable .il sacrifia tout à la cause qu’il servait Son dévouement , son audace, son allant firent l’admiration de ceux qui le connurent
Il forçait l’estime et l’affection par ses qualités d’homme qui égalaient ses vertus de chef
Dans le département il prospecta et fit homologuer une vingtaine de terrains ,recruta leur chef et leurs équipes, organisa le service de liaison par radio avec Londres par courrier avec Paris, dirigea les premieres réceptions d’armes et de matériel, assura le sauvetage et la protection d’aviateurs alliés abattus , le camouflage des réfractaires Toutes les formes de résistance l’intéressaient , il ne s’accordait aucun loisir ,aucun répit ,Sa Simca bien connue des initiés sillonnait en tous sens le département ‘
C’est à la suite du sauvetage particulierement audacieux des res capés d’une forteresse volante de l USAF ( deux victimes , six évadés , deux prisonniers) abattue aux environs de Belfonds à la Pilliére le 4 juillet 1943 qu il fut recherché par la gestapo avant de prendre différents postes de responsabilité dans le nord et la Bretagne Il disparut Victime des georgiens de l’armée Vlassof
La recherche de terrains était confiée en principe aux responsables départementaux les emplacements possibles lui étaient signalés la plupart du temps par les unités de résistance locales
D ans la recherche de ces terrains Il était toujours préférable de trouver une grande étendue Les alentours devaient être assez dégagés pour faciliter la recherche des containers ou paquets parfois dispersés sur une grande distance ce que ne favorisait pas le choix d’une forêt attenante
Pas d’arbustes trop hauts qui pourraient cacher les lumieres du balisage

Il était souvent nécessaire que le terrain soit éloigné non seulement de toute présence de miliciens , d’allemands ‘ susceptibles d’intervenir rapidement mais plus généralement de toute habitation à moins que les habitants soient bien connus comme sympathisants et qu’il n’exista aucun risque de dénonciation ou de bavardage


Recherche du terrain par l’avion lanceur de containers

Un bombardier quadrimoteur occupé à larguer des containers et qui rôde au dessus de la campagne pour rechercher le terrain désigné après un échange de messages codés repasse souvent plusieurs fois au même endroit
Ailerons baissés, à la limite de la vitesse minimale de sustentation,l’avion descend à 150 métres pôur lâcher ses parachutes , L’équipage du bombardier concentré dans sa tâche périlleuse et dont le regard scrute le sol avec une grande attention remet ses moteurs à plein régime pour reprendre de l’altitude souvent au dernier moment
Ce type d’operations fait beaucoup de bruit dans le silence de la nuit et dans une campagne endormie ,obstruée par les nuages , la brume ou la pluie Cette operation constitue en fait une cible de choix du point de vue de la chasse allemande malgré la présence de la pleine lune
Il y eut bien sûr des échecs… erreur de navigation ,incident mécanique ,absence du réseau de résistance pour des raisons indépendantes de leur volonté , terrain invisible , la météo ….
Trop bas les colis risquaient de s’abimer au contact du sol Trop haut disperses par le vent et quelquefois hors de portée des résistants les colis étaient alors ramassés per les allemands ou des mains étrangéres



Les ..terrains Aurore , Godet lapin,Eclair Goudron,Orage et d’autres encore environnant notre ville seront le théâtre de parachutages très risqués ,de containers recueillis par des hommes défiant tous les dangers

On peut malheureusement citer plusieurs parachutages qui se sont très mal terminés dans notre région, au Merlerault par exemple où plusieurs membres du comité de réception furent arrêtes et déportés ,victimes de dénonciations


Feux de balisage vus du ciel
……….par beau temps

Deux agents secrets en mission ,parachutés au haras des Rouges Terres , avec un lot important de containers purent transmettre leurs messages d’un refuge provisoire chez M Cercueil rue saint martin à Sées Rapidement détectés par les camions gonio allemands ,camions mobiles , spécialement équipés pour la detection des emetteurs clandestins ,les deux agents secrets purent s’esquiver dans la campagne environnante dissimulés sous des bottes de paille

Ce fut .....une guerre de la nuit faite d’organisation perséverante et de travail ingrat , de résolution méthodique et de mauvaises surprises , de complicités multiples et d’ingéniosité constante ,de coups de chances et d’avatars imprévus , d’héroisme et de trahison , de succés et de défaillances jusqu’à ce que ,aprés bien des sacrifices ,sonne enfin l’heure de la libération »


François Bédarida (institut d’histoire du temps présent)

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