vendredi 4 janvier 2019

l avion du debarquement

Le crash de l avion du débarquement

                                                           Temoignages


 TEMOIGNAGE ROGER CORNEVIN  ex sagien de 1931 a 1949


En ce mois de Mai 1944 On ne peut douter qu’un grand événement se prépare. Les messages de la BBC malgré le brouillage allemand prolifèrent sur les ondes et chaque français attend le cœur rempli d’espoir une délivrance hypothétique après 4 années d’occupation germanique. En effet depuis plusieurs semaines l’aviation alliée disloque les voies ferroviaires et routières, écrase les gares d’Argentan, l’Aigle, Mortagne, Surdon, détruit et pilonne les ponts et les concentrations de matériel de transport. Il nous est alors impossible de prévoir la date de réalisation de cet événement tant espéré par les peuples alors sous le joug allemand …

Nous habitions face à la cathédrale et avec mon frère nous passions nos soirées à scruter le ciel et les étoiles. A 2 semaines du débarquement nous ne pouvions pas soupçonner les préparatifs alliés en cours de l’autre côté de la Manche.

La cathédrale de Sées et les habitations ou vivait Roger Cornevin.

Soudain un avion en flammes surgit, venant du sud de la ville, rasant les toits et semblant vouloir éviter les clochers de la cathédrale. Une explosion soudaine puis un grand calme… alors qu'une patrouille allemande appartenant vraisemblablement aux troupes de l’Est ( nous les appelions les mongols ) resta longtemps sur notre grande place, littéralement prostrée à scruter le ciel.
Point bleu Cathédrale - Point rouge Lieu de crash

Le lendemain matin avec mon frère, sautant sur nos bicyclettes, nous n’hésitons pas un seul instant…. et nous nous dirigeons vers le nord de la ville, route du Merlerault. Nous sommes parmi les premiers curieux à découvrir un spectacle effroyable parmi les buissons d’aubépines.
Le point de crash, 2 km au nord de Sées prés du Buhot ( lieu dit la Potence )
Deux sentinelles gardent l’accès du champ... il nous faut ruser pour pénétrer au milieu du lieu de crash bordé d’immenses buissons d’aubépines. La présence des gendarmes en cours d’investigations semble alors nous protéger d’une éventuelle intervention des deux sentinelles. 
D’après les renseignements obtenus après la libération, j’ai pu apprendre que les deux sentinelles étaient yougoslaves. Nous étions fin mai 1944 et sans le savoir à la veille du débarquement. Dés l’annonce des premiers commandos sur la côte normande le 6 juin, les deux sentinelles yougoslaves et partisans de Tito en quête de patriotisme et de liberté plient bagages clandestinement, sans crier gare… et disparaissent dans la campagne. Leur équipée se terminera dans une ferme de Boisville, située à 1 km du lieu de crash. Sachant que toute désertion est passible de la peine de mort, ils attendront sagement la fin de la bataille de Chambois-Montormel avant de quitter définitivement leur refuge. L ‘un d’eux élira définitivement domicile dans la région sagienne après la libération 

Découverte …Les débris d’un avion inconnu …
L'avion inconnu dont nous ignorons totalement l'origine avait le nez enfoui dans le sol et la queue pulvérisée par une probable explosion.
Les corps des victimes étaient dispersés dans les haies et les buissons d’aubépine. Deux sentinelles assuraient une certaine sécurité et repoussaient les curieux peu nombreux à cette heure de la journée. Allemands et gendarmes s’affairaient alors dans les débris épars en quête d’éléments permettant d’identifier la nationalité de l’avion. Les allemands récupèrent enfin une liasse de billets de banque qu’ils s'empressent de garder (ref  PV gendarmerie ). Nos deux gendarmes découvrent la photo d’un asiatique, un foulard, une bague carbonisée et un portefeuille renfermant quelques photos dont celle d’un inconnu.

foulard trouvé dans les débris par les gendarmes
Photo trouvée par Gerard Malherbe                             Bague    transmise      par l adjudant Buvron a son fils Georges 



 Au petit matin, Gérard Malherbe traverse la ville déserte à bicyclette, passe
devant la cathédrale, devant la Providence et arrive sur les lieux de l’accident.
C’est une vision d’horreur qui l’attend. L’épave de l’avion est totalement
disloquée sur un hectare à quelques mètres d’une maison. Une partie de l’avion
est enfouie dans la terre. Les corps sont méconnaissables, disséminés sur une
centaine de mètres, à l’exception des deux pilotes, mutilés, restés dans le
cockpit. D’une poche d’une vareuse, sortait un portefeuille froissé « j’ai tiré le
portefeuille, les papiers étaient tout fripés comme la photo (lire ci-dessous) qui
est tombée par terre ». A ce moment-là, un gendarme de la brigade de Sées tout
juste arrivé sur les lieux me conseille « de déguerpir car les Allemands
arrivent ». Dans les débris, les gendarmes découvriront une carte de l’Europe
occupée, imprimée sur un foulard, une somme de 2,000 francs en billets de 100
et un dictionnaire.
Les corps des 6 jeunes soldats canadiens inconnus



J’ai pu recueillir ci-dessous le témoignage d un habitant du Buhot:

" J’étais dans mon premier sommeil, il faisait nuit noire. Tout à coup, je sursaute dans mon lit réveillé par un hurlement monstrueux, un rugissement déchirant. Dans le même instant devant moi, ma fenêtre, le ciel m’apparaît tout embrasé de rouge feu puis dans les secondes suivantes un bruit énorme. Soudain plus rien, plus de bruit …, plus de ciel rouge ….
Mon dieu qu’est ce que cela peut bien être ? A peine ai-je le temps de réagir que des détonations claquent sans interruption pendant plusieurs minutes. c’est là tout prés de chez nous, peut être à 500 mètres, ce ne peut être autre chose que le crash d’un avion...
... j’ai douze ans et les obus explosent toujours…. et si les allemands me tombent dessus ! Une voix gutturale hurle dans la nuit … patron patron !
Mon père descend précipitamment ouvrir, c’était un officier allemand qui était déjà arrivé là, pour s’assurer que nous n’aurions pas recueilli et abrité un rescapé du crash ….ce qui hélas ne pouvait être le cas. Dans la foulée, il donna ordre de mettre à sa disposition la plus grande pièce pour y loger une section de soldats chargés de la surveillance de l’épave de l’avion. Cette section de quatre ou cinq hommes partagea notre maison pendant une semaine environ. Le chef de section était sûrement un allemand cela se voyait tellement à son allure autoritaire mais les autres sûrement pas… on murmurait que c’était des yougoslaves ...eux ils avaient l’air très gentils. 

Mon frère et moi un peu rassurés nous avons réussi le lendemain après midi à déjouer la surveillance des parents. A toute vitesse nous avons traversé la grande prairie plantée de pommiers et sommes arrivés horrifiés devant les débris éparpillés de l’appareil le feu était éteint, il n’y avait plus d’explosions. Chose étonnante, il n’y avait personne sur les lieux. Pas d’allemands, pas de gendarmes, pas de civils non plus mais nous somme sûrs qu’il en était déjà venu. Plusieurs petits bouquets de fleurs champêtres étaient disposés juste à toucher sur ce qui nous semblait être une partie de corps humain encore recouvert de la tenue des pilotes.
Nous ne sommes pas restés longtemps, nous n’avons touchés à rien. Bouleversés, accablés, nous sommes rentrés à la maison en silence et nous n’avons rien dit à personne"


 le procés verbal de gendarmerie 

 LES GENDARMES ne peuvent identifier la nationalité de cet avion et le gendarme G… stipule “avion inconnu” mais vraisemblablement allié » dans le procès verbal. En final le procès verbal n’apporte rien à l’identité de l’avion ( ref compte rendu gendarme G.. ). Parmi les débris épars le brigadier de gendarmerie récupérera la bague carbonisée de l’une des victimes et un sagien la photo d’un aviateur demeuré dans les restes du cockpit. C’est le mystère total ….grand mystère qui subsistera pendant prés de 60 années... tout au moins pour les sagiens.
Procès-verbal de la gendarmerie daté du 23 mai 1944 à 9 heures.


Aprés 58 ans en ….1998
 

Je retourne dans notre petite cité après plusieurs années d ‘absence et je découvre avec surprise l’ignorance et le manque d’intérêt évident de la municipalité concernant ce drame oublié aussi je décidai de conduire ma propre enquête en commençant par le cimetière communal. Le problème …. j'avais totalement oublié la date du crash ! Remuant une montagne de vieux registres présentés par le gardien du cimetière nous découvrons l'inhumation de plusieurs aviateurs anglais inconnus à la date du 22 mai 1944. Le gardien de l'époque, plus de 50 ans après, n'avait aucun souvenir de cet événement mais par contre il me faisait découvrir une tombe abandonnée qu'il entretenait soigneusement suite aux consignes formulées par les gardiens précédents. Surprise  ! la tombe... on l' apprendra plus tard .. était vide… et j'apprendrai par la suite que les corps avaient été transférés par des inconnus vers le cimetière canadien de Bretteville sur Laize si bien que les divers gardiens du cimetière entretenaient une tombe vide depuis ….1946 !



L'équipage du WHITLEY V  AD701 de la ROYAL CANADIAN AIR FORCE.
DAVID WEBSTER GOODWINFLYING OFFICER - PILOTE
RCAF - J/25874
24 ANS
KALEDEN, BRITISH COLUMBIA
WILFRED GORDON HARRIS
SERGEANT - MITRAILLEUR
RCAF - R/115064
23 ANS
GRAND VALLEY, ONTARIO
JOSEPH HONG
FLYING OFFICER - NAVIGATEUR
RCAF - J/37185
21 ANS
WINDSOR, ONTARIO
JACK HOPPER SERGEANT - MITRAILLEUR
RCAF - R/80789
21 ANS
T
                                                                                                                                                              
JOSEPH GASTON JACQUES
WARRANT OFFICER - MITRAILLEUR
RCAF - R/108393
28 ANS
DRUMMONDVILLE, QUEBEC
CHARLES BEVERLY WYCKOFF
FLYING OFFICER - BOMBARDIER
RCAF - J/26695
23 ANS
VITTORIA, ONTARIO
















deux lacs canadiens en Ontario porteront les noms de Hong  et de Wyckoff















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