dimanche 20 janvier 2019


A Frank Carr et Harry Clark   ROYAL NEW ZEALAND AIR FORCE
 Extrait  de mon  journal de  jeunesse Une croix dans la forêt  ….. Bursard 1944  


 …                                           Le haras de Bois Roussel (Orne)

Au loin les contours bleutés de la forêt de Perseigne noyés de brumes et les longues files de barriéres blanches du haras de Bois Roussel
Dépassons  le  petit village de Bursard et prenons la route de Neauphe Une route de campagne nous conduit à un calvaire avant d’entamer un petit chemin de forêt sinueux et ombragé  C’est le bois de la Goderie ,     Dans le couvert des arbres   ….. une croix dont j’ignorais la présence …. Les branches  des sapins tamisent la lumiére du soleil tandis que  la plaque de cuivre gravée laisse apparaître discrétement   les noms de deux aviateurs disparus de la derniere guerre  

Inévitablement la présence de cette simple croix évoque en moi le drame vécu dans la nuit du 30 au 31 Juillet 1944 dans ce petit village de 200 habitants alors que nous étions hébergés temporairement à la mairie de Bursard chez nos cousins en attendant des jours meilleurs….
Cette croix avait t  elle  été érigée  par le maire du village lors du cinquantenaire du débarquement en 1994 ?

Je  rappelle les faits …

L e 6 juin 1944 ,,la côte normande se réveillait dans le bruit et la fureur…mais aussi avec le mauvais temps ..Des visages inquiets interrogateurs mais aussi de larges sourires épanouis   Quelle flamme soudaine dans les regards . !Sur ma haute bicyclette allemande au guidon de sénateur j’imprimais à mes coups de pédales un rythme victorieux pour annoncer la nouvelle ….le débarquement !
Dés le lendemain ,dans un bruit infernal  les chars stationnaient et
manoeuvraient  sur notre grande place …..la place du Parquet ...aussi ,les parents décidaient ils de rejoindre nos cousins de Bursard réfugiés dans leur  tranquillité campagnarde 
Croix rouge peinte sur le toit , le grand séminaire de Sées venait d’être transformé  en hopital le plus prés du front , …où les grands brulés extraits miraculeusement de leur chars entassent sous la  surveillance
d infirmiéres allemandes vigilantes  La situation s’avérant chaque jour un peu plus menaçante devant l'insistance des parents je réussis à m'extraire de cet univers de souffrances et nous voilà en quête d une nouvelle destination...  Ce sera la mairie de Bursard où ma cousine veille sur les  destinées de deux classes de jeunes enfants C est dans l'un des pupitres que je cache mon poste à galéne de fabrication familiale

Je tentais d oublier les conséquences malheureuses du crash de la forteresse volante de l Usaaf abattue lors
d un raid  sur Le Mans , événement qui entraina l'internement et la déportation de nombreux habitants et des quatre gendarmes sagiens
(lire crash   B 17 sur les bords de la Senneviére )


Je reprends mon journal    

« Réfugiés dans notre vaste bâtiment à la fois école et habitation  nous sommes  surpris par l’arrivée d’une compagnie de DCA de la Luftwaffe  Prudents les soldats prennent  la précaution  de dissimuler les camions trainant les batteries sous le couvert de l’allée de tilleuls qui conduit à notre domaine   Pour nous le grand silence de la campagne  et le doux réveil au chant des oiseaux  fait  alors partie des souvenirs
Mes parents  dissimulent rapidement la carte ponctuée de petits drapeaux marquant    l’ avance alliée Mon cousin démobilisé fait disparaître la photo de mariés en uniforme militaire ,les traces de son séjour à Gao dans les sables du  Niger , mais aussi la photo  de son avion Potez perdu sur le terrain d’Auxerre au milieu d’un troupeau de moutons …..  
Juste le temps de dissimuler le poste à galéne dans l,un des pupitres de la salle de classe    Une antenne de fortune accrochée à l’une des branches d’un tilleul nous permet   de recevoir la BBC et de suivre l’évolution de la situation  

Avec mon frére on ne joue pas dans le même registre que les grands   Isolés sous les combles de notre nouvelle demeure ,nous glissons deux matelas dans le désordre des postes de TSF rapportés par les villageois sur ordre de la kommandanture ; Desespoir  Pas de courant pour les alimenter !
Nous nous adaptons à la situation …Accompagnés de nos deux chiens notre distraction en ces jours d’agitation   c’est  la chasse aux canards et à la poule d’eau dans les roseaux peuplant les douves du haras de Bois Roussel Notre cocker pur sang Ted et le brave Dick corniaud expérimenté  font des merveilles dans cet univers  de roseaux et de branchages
;Les canons des batteries … à peine visibles… Recouvertes de filets de camouflage et de branches les servants nous laissent royalement nous ébattre avec nos deux chiens , dans la vaste prairie .. C’est tout juste  si on  distingue l’affut des canons Regards figés vers le ciel ,ils nous ignorent ! il est vrai qu’ils ont  beaucoup à faire , Le ciel c’est  leur univers … sans cesse troublé par les combats aériens qui se déroulent au dessus de nos têtes et à proximité des terrains alentour , Lonrai ,Essai,équipés  précipitamment par nos occupants  après l’annonce du débarquement
Mais attention !Deux dangers au lieu d’un ! les yearlings affolées au grand galop dans la prairie ou les chasseurs alliés  aux ailes rayées de noir et blanc guettent le moindre mouvement au sol

 Succédant à un combat aérien notre instinct de récupérateur nous incite à utiliser  les réservoirs largués par un groupe de chasseurs mustangs  Les eaux tranquilles d’un affluent de l’Orne serviront de champ d’expérience à notre nouveau systéme de navigation

L e 16 juillet un Halifax du SOE en mission de parachutage ést abattu à la Chouannerie prés de Larré par la DCA locale ,sept victimes  Une photo représentant un cortége de mariage avait été trouvé par Noel Archer officier enquêteur de la RAF dans les dédris  du Halifax et permit ainsid identifier l,un des membres de l équipage





Nous trouvons alors dans le bois Leguernay un poste emetteur fracassé attendu avec impatience par la résistance locale
Le fermier effrayé par cette découverte ,armé d une  gaule ,caché prudemment derriere un arbre l'avait tout simplement détruit par crainte de l ' explosion de cet engin inconnu  


 

Quelques jours où je ne note  rien sur mon journal et je ne suis   pas dans le secret des dieux ..La BBC notre espoir de l’autre côté du channel tente de nous remonter le moral . Ses voix familiéres , Robert Schumann , jean Marin , Pierre Dac nous assénent les nouvelles de la journée ,….bonnes ou mauvaises

Cette nuit du 30 juillet …. Une nuit étoilée  .. Une fusée descend  lentement éclairant les toits du village  serrés   autour de l’église  au toit arrondi . La nuit sera calme ….Mais non....il est minuit
dans un bruit d’enfer et de tirs d’obus .un avion rase les toits et  s abat pas très loin …. dans le bois de la Goderie semble t il à quelques centaines de métres de notre demeure

 Dés six heures du matin l un de nos « pensionnaires  frappe à notre porte  Nous le suivons ..., en sa  présence   nous découvrons alors à quelques centaines de métres de notre demeure  une végétation dévastée et brûlée  sur un hectare  Les restes fumants d’un avion se consument lentement …Deux bombes sont dissimulées dans les broussailles alentour" Un mosquito" me précisera l’allemand
Mais aussi …parmi les restes de l’épave  deux corps  ..et  une carte d’identité sortant  de la poche de l’une des deux victimes …


Les deux victimes sont alors inhumées dans une grande précipitation à la limite  de notre jardin ,dans le petit cimetiére du village . Grande émotion ,la  patrouille chargée des honneurs  refuse notre présence…mais nous prenons le risque de regarder par-dessus la haie   Le bruit d’une salve très bréve résonne  dans le grand silence de la campagne…
Le lendemain comme tous les curieux de mon âge ,je ne laisse le soin à personne  de visiter les restes de l’épave Je récupére dans un massif de hautes herbes ,  une minuscule boussole incorporée dans un bouton d’uniforme,et un foulard de soie représentant  la carte de France … Deux objets   appartenant  au kit  d’évasion détenu par tous les aviateurs survolant les territoires occupés

Le 31 Juillet …..Grésillement dans les écouteurs de  notre poste à galéne …. une faible voix …Le lightning de Saint Exupéry en mission de reconnaissance est disparu en méditerranée …
Des morceaux de son appareil et plus tardivement une gourmette seront récupérés par un pêcheur  dans son chalut entre Cassis et M arseille  


11 Aout 1944       Nos occupants affolés ... sur le départ
Le 11 août, , nos occupants s’agitent .. Inquiets ils entrent et sortent par toutes les issues de la maison…Nous nous étions mis pourtant d’accord pour partager les piéces principales de notre vaste habitation  Fiévre d’un départ précipité ? Au milieu de la nuit … grosse explosion !  …les vitres vibrent    Dans la nuit    nos locataires  plient bagages dans un désordre de vêtements , de lettres abandonnées …ont fait sauter les batteries  De nombreuses photos  que je m’empresse  de récupérer .Photos de famille   représentant  des couples heureux ….,une joie familiale étalée loin des durs combats de notre Normandie 

                                                                         

Avec mon frére on ne peut s’empecher de poser pour la postérité sur une batterie abandonnée
Dés 1945 nous prenions contact avec les familles Carr et Clark retrouvées grâce aux documents récupérés dans leurs  portefeuilles .
 Frank  Carr et Henri Clark appartenaient tous  deux au 487eme squadron de la Royal  Nouvelle Zélande Air Force ….
 
Avril 1998

Un pâle soleil perce la brume ...Il est pourtant midi
Une tombe en marbre clair ,isolée dans un angle du cimetière ( dans le fond à gauche ) avec cette épitaphe " A la glorieuse mémoire de Flying officer Francis Carr no 148458 27 Octobre 1919 30 Juillet 1944 et de Robert Henri Clark No 487 Squadron RNZAF 16 Février 1920 30 juillet 1944 Tombés en combat aérien dans le bois de la Garenne Bursard Orne RIP "
"The other generations might possess from shame and menace . Free in years to come a richer heritage of happiness they marched to that heroic martyrdom "
 Il faut savoir que  la Commonwealth war graves commission est responsable de la sépulture et de la commemoration perpétuelle de toutes les tombes appartenant aux forces armées du Commonwealth rassemblées dans les cimetiéres militaires  Dans le cas présent les habitants du village auteurs d’une souscription exceptionnelle  permettaient que ces deux jeunes libérateurs reposent auprés de de leur église
































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