LES
RESEAUX / SOE
LA
CONTRIBUTION DU SPECIAL OPERATIONS EXECUTIVE
À LA RÉSISTANCE FRANÇAISE ET
À LA LIBÉRATION DE LA FRANCE
À LA RÉSISTANCE FRANÇAISE ET
À LA LIBÉRATION DE LA FRANCE
Dans
les heures les plus sombres de la deuxième guerre mondiale, quand
les pays de l’Europe avaient été envahis et occupés par
l’Allemagne, et avant que celle-ci n'envahisse l’URSS, la Grande
Bretagne était seule, face au combat. Winston Churchill reconnut
que, même si toute idée d’invasion du continent ne pouvait être
envisagée avant longtemps, il était essentiel d’entretenir la
flamme de la résistance naissante dans les pays occupés. Surtout,
la résistance avait besoin de devenir efficace et pour ceci il
fallait former les résistants, leur fournir du matériel et
coordonner leurs actions. Là où ce serait possible, les résistants
devraient jeter la perturbation chez l’ennemi par des actes de
sabotages et, éventuellement, prendre les armes de concert avec les
Forces armées alliées pour libérer l’Europe.
C’est
dans ce but que fut fondé SOE, une des plus grandes créations de la
deuxième guerre mondiale.
Officiellement SOE fut créé le 22 juin 1940 avec, comme directive
de "coordonner
toute action de subversion et de sabotage contre l’ennemi".
Churchill résuma cette tâche plus vigoureusement lorsqu’il donna
au Dr Hugh Dalton, ministre responsable pour SOE, la consigne
de "mettre
le feu à l’Europe".
Ce fut un acte de foi dans la force de l’esprit de résistance.
C’était
dans cet esprit que le général de Gaulle, le 18 juin 1940, fit sa
déclaration historique à la BBC de Londres.
La
tâche de SOE devint progressivement plus complexe et plus
importante. Les ressources matérielles étaient limitées. Pourtant
il fallait que SOE assume ses responsabilités sur tous les fronts de
guerre à travers le monde entier. Mais, à l’exception de la
Pologne, les autres pays occupés n’avaient pas de tradition de
résistance armée clandestine. SOE devait donc entreprendre
l’entraînement des agents hommes et femmes dans la guerre de
guérilla, dans l’emploi des explosifs, dans le sabotage, dans le
codage, dans l’utilisation des postes émetteurs secrets et dans
les impératifs de sécurité. On avait aussi besoin des moyens de
transport.
SOE
avait besoin de gens qui savaient comment vivre en France et capables
de se faire passer pour des citoyens français. Un certain nombre
de ce genre d’individus se trouvait déjà en Grande Bretagne, la
plupart de nationalité britannique avec des liens de famille en
France. Certains de ceux-ci avaient déjà offert leurs services,
chacun désireux de faire quelque chose pour la France. Très vite,
d’autres arrivèrent en Grande Bretagne, venant des pays
d’outre-mer, et il y eut un afflux continu de volontaires,
s’évadant de la France. Comme aucun de ceux-ci ne connaissait
alors l’existence de l’organisation secrète, ce fut SOE qui dut
les contacter.
Tout
étranger venant de l’Europe occupée qui débarquait en Grande
Bretagne pendant la guerre et qui n’avait pas une identité déjà
garantie, était obligé de faire un stage à The Royal
Victoria Patriotic School à Wandsworth dans le sud de
Londres. Normalement, quelques jours seulement étaient nécessaires
pour obtenir le récit exact de celui ou de celle qui s’était
évadé. Même si cet interrogatoire n’était pas toujours bien vu
par ceux désireux d’offrir leur service pour la cause, c’était
un filtre de sécurité indispensable et ceci fut remarquablement
efficace pour déceler des agents allemands qui, sous prétexte
d’être des réfugiés, utilisaient cette méthode d’infiltration.
Une fois que les individus avaient passé ce test, ceux qui
paraissaient avoir les aptitudes requises, étaient pris en main par
SOE.
À
l’intérieur de SOE, il y avait plusieurs sections concernant la
France :
- Section F : ce fut une conception entièrement britannique, créée pour appuyer la Résistance sans tenir compte d’affiliations politiques éventuelles. Le seul objectif était la victoire. Après la guerre, les réseaux E furent connus en France, sinon en Grande Bretagne, comme les réseaux "Buckmaster", d’après le nom du chef de la section F.
- Section RF : elle fut créée plus tard pour donner appui aux FFL, sous le général de Gaulle, qui nécessairement voyait bien plus loin que la victoire. Les agents de la Section RF furent largement formés par SOE, qui fournit également matériel et moyens de communication.
- Section DF : elle avait la tâche d’organiser les routes d’évasions vers la Grande Bretagne pour les agents de SOE.
- Section EU/P : elle s’occupait des importantes communautés polonaises existant en France.
- Section AMF : elle fut créée à Alger après novembre 1942, opérant vers le Midi de la France.
- Jedburgh : groupes formés et armés par SOE et consistant, en théorie, mais pas toujours en pratique, d’un britannique, d’un américain et d’un français, tous en uniforme. Ils furent envoyés en France avec la tâche de coordonner le soulèvement armé des groupes de résistance avec les plans envisagés par les alliés.
La
section F avait une école d’entraînement préliminaire à
Wanborough Manor près de Guildford, et la section RF, à Inchmery
près de Southampton. En général (car rien dans SOE ne restait
absolument statique) le programme avait trois aspects. Le but du
programme préliminaire était de juger l’aptitude des candidats
pour leur rôle, sans en dévoiler la nature exacte. Ceci évitait
que la sécurité soit compromise en cas de rejet du candidat. Non
seulement tous les candidats étaient des volontaires, mais ils
pouvaient se retirer à tout moment pendant leur entraînement sans
courir le risque d’une remarque dérogatoire sur leur fiche de
service. Ceux qui passaient ce premier stage continuaient leur
entraînement avec un cours paramilitaire, physiquement dur, dans les
montagnes d'Écosse. C’était au troisième stage (dans la forêt
de Beaulieu, dans le Hampshire) que l’entraînement était axé sur
la vie d’un agent secret et les besoins nécessaires pour survivre
dans le pays précis où il allait être expédié. L’enseignement
des règles de sécurité d’une vie clandestine était de première
importance. Il y avait d’autres écoles spécialisées par exemple
pour le parachutage, le sabotage industriel et l’atterrissage
clandestin d’avions. La formation des opérateurs de radio prenait
environ trois mois. En général le candidat faisait six à huit mois
d’entraînement.
La
section F expédia environ 470 agents en France. Ils furent, soit
parachutés, soit posés au sol par Lysander ou Hudson, soit déposés
sur la côte par bateau ou sous-marin. Si l’agent faisait le voyage
de retour vers la Grande Bretagne, il devait soit être ramassé par
avion ou par bateau, soit faire éventuellement le long et dur trajet
à travers les Pyrénées.
Les
agents étaient groupés en réseaux, en anglais circuits,
qui furent distribués à travers la France entière, tant en zone
occupée qu’en zone dite non occupée. Ils variaient énormément
en dimension et structure. La composition typique pour un réseau de
la section F consistait en un chef (organiser), un opérateur
de radio pour assurer les communications avec Londres, et un courrier
pour distribuer les messages à l’intérieur du réseau. Quand le
réseau prenait de l’ampleur, il pouvait recevoir un responsable
pour l’organisation des parachutages, et la réception des stocks
et des agents. Après la formation des Maquis, des instructeurs
d’armes et autres furent envoyés.
SOE,
en particulier la section F, recruta des femmes comme agents, les
jugeant sur leur propre mérite. Elles se sont distinguées comme
opérateurs de radio et comme courriers. Elles avaient un avantage
vis à vis des hommes car, dans les rues françaises, elles
attiraient moins l’attention qu’un homme d’âge militaire.
Elles pouvaient fournir plus facilement des explications lors d’un
contrôle. Une femme, Pearl Witherington (maintenant Mme Cornioley) a
assumé le rôle de chef dans le Loir-et-Cher quand les combats ont
débuté.
La
section RF expédia environ 500 agents, les livraisons de matériel
pour cette section étaient assurées par le Bureau d’opérations
aériennes dans la zone Nord et par le Service d’atterrissages et
parachutages dans le sud. La section AMF expédia environ 650 agents
(la plupart en uniforme) dont un tiers américains, presque tous en
liaison avec l’opération Dragoon, le débarquement
franco-américain sur la Côte d’Azur en août 1944.
Avec
l’approche du débarquement en Normandie, le commandant des
opérations du SOE fut transféré au SFHQ sous la direction de SHAEF
du général Eisenhower. Le général Koenig, qui avait déjà été
nommé chef des FFI prit le commandement des sections F et RF le 1er
juillet 1944.
Plus
de 10 000 tonnes de matériel de guerre, la plupart armes légères,
munitions et explosifs furent expédiées par SOE aux comités de
réception en France au cours des années 1941-1944.
Parfois,
surtout pendant la phase clandestine, il était nécessaire d’envoyer
les marques qui ne s’identifiaient pas comme provenant de Londres.
Pour le combat ouvert, l’important était de choisir, parmi les
armes d’usage courant, celles qui permettaient l’emploi des
munitions prises aux allemands. Pour la plupart, ce matériel fut
parachuté et dans quelques cas, expédié par opérations maritimes.
Le point culminant fut atteint au moment du débarquement en
Normandie.
Le
transport aérien fut assuré pour SOE, comme pour tous les services
spéciaux britanniques, par la RAF. Au début, avant 1941, il n’y
avait pas plus de 5 avions disponibles. En novembre 1942 il y en
avait 27 et au printemps de 1944, 36. Plus tard, le nombre augmenta
considérablement grâce à la participation de l’USAAF, qui permit
vols en masse et en plein jour.
Au
début, il n’y eut que l’escadrille n° 138, mais après, le RAF
fournit une deuxième, n° 161. Ensuite le n° 138 assura
exclusivement des parachutages, alors que le n° 161 s’occupa des
atterrissages et, lorsque cela était possible, quelques
parachutages. Le n° 161 avait sa base à Tempsford, avec plus tard,
un terrain auxiliaire à Tangmere. L’avion par excellence pour les
atterrissages était le Westland Lysander, spécialement adapté pour
déposer et ramener des agents. En 1943-1944 on utilisait aussi le
Lockheed Hudson, qui avait une capacité plus grande, comme, plus
tard, le Douglas Dakota.
258
agents furent déposés en France et 433 ramenés en Angleterre, plus
de 1 200 parachutages furent accomplis. La survivance des réseaux
dépendait du courage et du dévouement de ces équipages ainsi que
de l’habileté et de la ténacité des équipages des avions de
transport, à savoir les Whiteley, les Halifax et les Stirling,
utilisés pour le parachutage des agents et du ravitaillement. Plus
de 1 200 agents et plus de 10 000 tonnes de matériel furent
parachutés. Inévitablement il y eut des pertes d’avion et de
personnel.
Pendant
les premiers mois de son existence, SOE n’avait pas d’autre
option que d’utiliser la voie de mer pour le transfert clandestin
des agents et l’envoi du matériel. Même plus tard, lorsque les
transports aériens purent offrir une meilleure solution pour le nord
de la France, la, demande pour les opérations maritimes continua
dans le sud du pays et dans d’autres cas spéciaux. Barques de
pêches bretonnes, vedettes lance-torpilles, felouques
méditerranéennes, sous-marins, vaisseaux marchands armés furent
tous mis en service.
SOE
essaya, parfois avec succès, d’organiser de façon indépendante
ses propres opérations mais dut, la plupart du temps, opérer dans
les limites du système imposé par l’Amirauté qui avait tendance
à favoriser les demandes de l’Intelligence Service.
Néanmoins une importante contribution fut faite, ou par SOE, ou au
nom de SOE. À part des débarquements individuels et des opérations
de "ramassages" pour les sections F et RF, la ligne
d’évasion VAR, de la section DF, qui, entre l’hiver 1943 et
l’été 1944 fit échapper quelques 70 personnes, se termina par
une traversée à partir de la côte nord de la Bretagne. Il n’y
eut aucune perte de passagers. Deux felouques, avec un équipage
polonais de la section EU/P transporta un total de 600 agents, soit
de Gibraltar dans le sud de la France, soit plus tard, d’Afrique du
Nord en Corse. Après son installation en Corse, SOE assura des
opérations maritimes en France et en Italie.
Les
liaisons radiotélégraphiques étaient l’élément vital des
activités de presque tous les réseaux. L’étendue de leur
vulnérabilité était considérable. Si les opérateurs radio
émettaient sans changer d’emplacement, ils couraient le grand
danger d’être repérés par l’ennemi, dont les équipes de
repérage était extrêmement efficaces. Si, pour éviter ce danger,
les opérateurs changeaient fréquemment leur lieu d’émission, ils
risquaient d’être arrêtés pendant leurs déplacements ou, tout
au moins, de révéler leurs activités à un trop grand nombre de
personnes. Quant à la durée de leur émission, elle devait être
aussi courte que possible et pourtant les messages d’importance
capitale devaient être transmis à tout prix. C’est pourquoi
l’espérance de vie d’un radio était cruellement courte, estimée
généralement à six semaines. Néanmoins, en juin 1944, SOE avait
déjà établies plus de 150 liaisons WT entre la France et Londres.
La Signals
Section de SOE pouvait faciliter la tâche des opérateurs
en leur procurant des codes qui n’étaient jamais "cassés",
et un service de décryptage dont les membres étaient passionnément
dévoués et déterminés à lire les messages souvent altérés,
sans avoir à les faire répéter.
Un
moyen de communication de grande valeur était les "messages
personnels" transmis par la BBC lors des bulletins
d’informations en langue française. Non seulement ceci permettait
de recevoir des messages de Londres, tels que l’annonce d’un
parachutage, mais on pouvait les entendre sur un poste de TSF courant
au lieu d’une poste d’agent. L’appel à la Résistance de
prendre les armes au moment du débarquement en Normandie fut
transmis de cette façon. Cela permettait aussi à un agent de
prouver sa "bonne foi" en arrangeant la transmission à la
BBC d’un message choisi par la personne qui avait besoin de
preuves.
Autres
appareils utilisés par SOE : l' "Euréka", une balise de
radioguidage pour indiquer l’emplacement précis du terrain de
réception à l’avion qui approchait et le S-phone, qui permettait
à l’agent au sol de communiquer avec l’avion.
Les
Réseaux SOE jouèrent un rôle considérable en semant la confusion
parmi les Allemands dans les arrières de l’ennemi au moment du
débarquement en Normandie et en disloquant les transports de
matériel et des renforts vers le front. La destruction des lignes
téléphoniques obligea l’ennemi à transmettre ses messages par la
radio où les alliés pouvaient les intercepter et les déchiffrer.
Le
délai de 16 jours infligé à la 2e Panzer Division Das
Reich en route de Montauban à Caen, et celui de 21 jours
infligé à la 11e Panzer Division en route de l’Alsace vers la
Normandie, sont seulement les exemples les plus marquants. Aussi,
lors du débarquement dans le Midi de la France, la route pour les
armées alliées fut maintenue ouverte.
C’est
à cette époque que les groupes Jedburgh - groupes formés et armés
par SOE et consistant en théorie, mais pas toujours en pratique,
d’un britannique, d’un américain et d’un français, tous en
uniforme - furent envoyés en France avec la tâche de coordonner le
soulèvement armé des groupes de résistance avec les plans
envisagés par les alliés.
L’aide
de la Résistance aux forces alliés, équipée et soutenue par SOE,
était si considérable que le Général Eisenhower a reconnu sa
valeur comme l’équivalent de 5 à 6 divisions. Il a été aussi
dit que cette aide avait raccourci la guerre de six mois.
Il
faut répéter que rien de ceci n’aurait été possible sans
l’immense dévouement, courage et sacrifice de la Résistance
française. Mais ses efforts n’auraient pas non plus abouti et pris
une importance militaire sans l’aide fournie par SOE, par ses
volontaires et ceux qui ont souffert et donné leur vie pour la
cause. Ils furent ambassadeurs en France et les survivants continuent
de l’être.
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