La croisade pour la liberté de
Marie Croisé
Marie Croisé,
l’une des héroïnes du maquis de Saint-Marcel en Bretagne, fêtera
bientôt ses 93 ans, chez elle à Alençon. Sa générosité, l’amour
qu’elle exprime dans chaque geste subjuguent. Et pourtant en 1944,
la guerre n’a guère eu de tendresse pour elle.
Tout commence en novembre 1942, lorsque
Dominique Paysan, un entrepreneur de
l’Orne, fait entrer dans la résistance M. et Mme Croisé un couple
. Marie a pour mission de (contacter) les agents de liaisons et
de porter des messages à Paris. En avril 1943, c’est un coup dur.
Son époux est (découvert) et doit alors se cacher. Marie file chez
sa fille au Mont-Dore, d’où elle est originaire.
C’est là qu’elle reçoit un
télégramme de Dominique Paysan. Le 2 juin 1944, elle prend le train
pour Questembert dans le Morbihan. Un jeune résistant vient la
chercher. « Il m’a dit : Je vous (ai vu) à
Saint-Jean-Brévelay, au maquis de Saint-Marcel ! »
Dans la campagne morbihannaise, les
maquisards sont réunis sous les ordres du colonel Maurice. 2000
maquisards qui frémissent de bonheur quand ils entendent à la BBC :
« Les dés sont sur le tapis. » L’annonce du
débarquement.
En juin, Marie connaît une des plus
grandes émotions de sa vie. « Il y avait un clai
r de lune formidable. J’ai vu descendre trois parachutes, bleu,
blanc et rouge. Pour moi, c’était la France qui descendait du
ciel. »
Dominique Bourgoin, le Manchot, est un
de ces parachutistes. A Saint-Marcel, c’est l’enthousiasme. Les
maquisards se cachent à peine. Bourgoin leur nous voir. C’est
prévu. Le maquis tenir le plus longtemps possible (car les
troupes) allemandes veulent rejoindre la Normandie. »
Le 8 juin vers deux heures du matin,
des troupes allemandes passent à . « On m’a donné
une mitraillette mais je ne m’en suis pas servie ».
Bourgoin donne l’ordre au maquis de
. En compagnie de Paysan radio, René Alembout, Marie (est
arrêtée). Sur elle, elle porte les codes de tous les départements
bretons, l’argent du maquis et une grenade. « Il y avait un
jeune soldat allemand, condamné à mort dont la mère était
française. Sa cellule me séparait de celle de Paysan et d’Alembout.
Il a creusé le mur de mon côté et du côté de Paysan. J’ai pu
ainsi communiquer avec celui-ci. Entre deux tortures, il me disait ce
que je devais répondre à la Gestapo. Dominique et René ont
disparu. Le jeune allemand aussi. »
Le 15 août 1944, Marie est jetée dans
le dernier train pour Ravensbrück, puis c’est Torgau et enfin
Leipzig où elle se retrouve dans un camp de juives hongroises et
roumaines. « Elles cherchaient leurs enfants… C’était
horrible ! » Le 13 avril 1945, devant l’avance des
troupes soviétiques, les Allemands déménagent le camp, direction
la Tchécoslovaquie. « 300 kilomètres dans la neige. Sans rien
pour nous couvir, ni pour manger. »
De cette colonne ambulante, on s'évade
comme on veut. Avec Anita, une fille qui s’est battue en Espagne et
au Vercors, Marie s’enfuit. Les troupes d’assaut soviétiques les
rattrapent. Elles se cachent. « Nous étions dans une grange.
Les Mongols violaient les femmes. Nous étions terrorisées. Un soir,
un Mongol est venu dans la grange. J’ai entendu des plaintes. J’ai
passé ma tête. J’ai vu un gamine de 14 ans. Elle suppliait le
soldat de l’épargner. Le Mongol m’a vue. Comme j’étais
tondue, il a cru que j’étais un homme. Il a entraîné la fillette
dehors. Et l’a violée. J’ai pensé à ma fille. J’entends
encore les cris de cette jeune Allemande. »
Quand Anita et Marie décident de
sortir de leur grange, les troupes soviétiques sont déjà plus
civilisées. Les soldats leurs donnent alors des vélos pour
rejoindre les troupes américaines à cent kilomètres de là.
La veille de la Pentecôte 1945, Marie
Croisé retrouve le sol de France. « Je l’ai embrassé. »
Elle part au Mont-Dore. Sa fille lui crie : « Ce n’est
pas ma maman. » Marie pleure pour la première fois. « J’ai
eu de la chance. Mon mari, mon fils étaient vivants. Cette aventure
a changé ma vie. Cela m’a donné beaucoup d’indulgence et plus
encore de foi… » Marie Croisé garde précieusement sa
gamelle et un chapelet en laine confectionné par une prisonnière à
Ravensbrück. Le 12 juin, Marie fêtera ses 83 ans.
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