J'ai attendu d'avoir
consulté un certain nombre de documents d' archives françaises
et étrangères (Usaaf et Raf ) pour apporter multiples précisions
(en italique), nécessaires à l'explication et à la compréhension
de ces événements vécus .... et enfin tenté de rendre
intelligible ce journal.
Roger Cornevin-hayton.
Extrait
simplifié de mon " Journal de jeunesse " Mai à Août
1944
10 Juin 1944:
Au
loin le clocher de Bursard ....
Le mauvais temps
persiste, les nuages noirs s'amoncellent.... Alors
que notre taxi à gazogène de la maison Septier s'essouffle sur
la petite route de campagne, nous distinguons au loin le clocher
au toit arrondi du village de Bursard et les murs de notre
future demeure... la mairie du village.
Bursard, petit village
situé à six kilomètres de Sées nous accueille donc dans le
silence de sa campagne verdoyante. Au loin les contours bleutés
et noyés de brumes de la forêt de Perseigne . D'interminables clôtures
blanches bien alignées annoncent les limites du haras
de Bois Roussel, là où nous étions réfugiés en Mai et Juin
1940. Notre vie
aurait pu se dérouler ainsi tel un long fleuve tranquille en
attendant la suite des événements, mais dans le calme relatif
de notre retraite champêtre, une agitation inexpliquée semble
naître autour de nous. Le passage des convois allemands
s'amplifie sur la route conduisant d'Alençon à Essai et cette
vision journalière nous préoccupe au plus haut point.
On parle de la création
de plusieurs aérodromes Essay, Lonrai, Semallé, à quelques
kilomètres de notre résidence improvisée et on rapporte que
des civils des villages voisins ont été réquisitionnés par
l'organisation Todt pour creuser des tranchées.
L’implantation de ces aérodromes par la Luftwaffe ne pouvait
qu’attirer l’attention de la chasse alliée toujours aux
aguets ...
Ventes de Bourse, Mesnil
Brout et aussi les voies ferrées de Forges, Vingt Hanaps, Saint
Gervais du Perron deviennent du jour au lendemain la proie des
chasseurs de la RAF et de l’USAF.
Chaque jour apporte son
lot d'imprévu et de diversion
Jours d'inquiétude...
quelques jours où je ne note rien, et je ne suis pas dans le
secret des dieux. .A quoi bon tenir un journal des événements
? Une seule chose, le mauvais temps et la journée qui s'écoule
dans le bruit des formations aériennes passant au dessus des
nuages, avions alliés contre la chasse allemande basée dans
les aérodromes environnants, équipée en particulier de Focke-Wulf
et Messerschmitt.
L'aviation américaine
intervient le jour et la RAF dés la tombée de la nuit. Le
bruit insistant d'armadas nocturnes passant au dessus de nos têtes
trouble notre sommeil.
Les P47 aux ailes rayées
de noir et de blanc nous survolent à très basse altitude et
nos mouchoirs s'agitent en signes d'amitié. Nous avons
l'impression que le pilote dans son cockpit incline les ailes de
son avion pour mieux nous observer et c'est avec enthousiasme
que nous le découvrons figé aux commandes. Les pilotes alliés
volent si bas... cinquante mètres peut être ! Curieusement,
ils semblent avoir pris la mairie comme point de repère avant
de fondre sur leur proie, en l'occurrence, les chasseurs
allemands qui s'apprêtent décoller.
10 Juin 1944:
Nous
ne sommes plus seuls !
Ce jour je presse avec
force les écouteurs de notre rudimentaire poste à galène de
fabrication familiale afin de percevoir les émissions de la BBC.
Jean Marin, Robert schuman, Pierre Dac sont nos héros. Ils sont
à Londres, de l'autre côté du Channel, et il nous font rêver.
Soudain moment de stupeur... la face lunaire d'un soldat
allemand se colle brusquement sur l'une des vitres de la fenêtre
de la classe. Que vient il faire dans nos murs ?
Le lendemain, l'arrivée
de lourds camions traînant des canons, des batteries de DCA à
coup sûr, nous surprend en plein déjeuner ! Ce feldwebel
n'est pas venu pour rien... il précède tout simplement
l'installation, sous les tilleuls de l'allée de la mairie, d'
une compagnie de servants de DCA. Cette intrusion dans
notre campagne tranquille nous remplit d'inquiétude.
Une dizaine de camions
remorquant des canons recouverts de filets de camouflage vient
alors se ranger sous les ombrages de l'allée .
Nous réalisons
ainsi que la tranquillité des lieux fait alors partie des
souvenirs... sachant que cette présence inattendue risque
d'accentuer la pression de l'aviation alliée. Nous avons
constaté que tout mouvement au sol est immédiatement sanctionné
par une gerbe d'obus... si d'aventure un avion allié traîne au
dessus de nos têtes.
Revenus de notre
surprise, il ne nous reste plus qu'à faire disparaître
l'encombrant poste à galène et quelques photos compromettantes
mettant en évidence le passé militaire dans l'armée de l'air
de notre cousin démobilisé en 1940. Une photo représente son
avion, un Potez, sur le terrain d’Auxerre, perdu au milieu
d'un troupeau de moutons.
Pour le moment le cousin n'a plus
d'avion à se mettre sous la dent mais ses souvenirs d'Afrique
ont le don de me faire bâtir des plans sur la comète... C'est
l'image exotique de Gao sur les boucles du Niger et la découverte
par le rêve... des sables du désert...
Mais quelle sont les
intentions des gradés de cette compagnie ? Plusieurs journées se
passent. Chacun apporte ce qu'il sait ou croit savoir. Les
nouvelles sont comme le temps... bonnes et mauvaises. A notre grande
surprise... nos occupants essaient de ne pas trop nous perturber
et traversent les premiers jours, les salles de classe, la
cuisine, sans vouloir vraiment nous importuner. Ils n'ont pas
encore découvert le premier étage, notre refuge, notre
domaine, à mon frère et moi ,où siégent tous les postes de
TSF des habitants de Bursard rapportés à la demande de la
kommandantur. Nous, on ne joue pas dans le même registre que
les grands... et notre passion c'est la chasse aux canards et
aux poules d'eau avec nos deux chiens sur les bords de la rivière
et dans les douves bordée de roseaux du haras de Bois Roussel.
L'un de nos occupants nous
apprend à identifier à partir de silhouettes imprimées sur
une brochure, les avions de la R.A.F ou de l' US Air Force. Les
silhouettes et les caractéristiques de ces avions volant hauts
dans le ciel n'ont bientôt plus de secrets pour nous.
Un soir, quelques soldats
éméchés déclenchent une scène d'orgie dans la cour... Par
prudence nous nous tenons à distance...
12 Juin:
Disparition
des batteries...
Ce jour, attaque de Mustangs.
Avions faciles à identifier avec leurs ailes carrées. Nous
commençons à comprendre les raisons de cette agitation autour
de nous. Plusieurs aérodromes sont en cours d'installation dans
les villages environnants. Nous
apprenons que cinq soldats du groupe dépêchés sur place sur
le terrain d'Essay pour préparer les appareils, sont tués ou
mortellement blessés.
Un beau matin...
soulagement... sans crier gare les camions disparaissent dans le
village entraînant dans leur sillage leurs canons menaçants,
mais pour s'installer à quelques centaines de mètres dans les
prairies verdoyantes du haras de Bois Roussel, au lieu dit
"les fontaines ". A peine visibles sous les branchages,
il est très difficile de notre demeure, de les distinguer et
pourtant les prairies au sud de Bursard sont très dégagées,
pratiquement sans obstacle. Les pur-sang ne semblent pas trop s'émouvoir
de la présence de ces intrus.
13 Juin:
Un
chasseur s'écrase sur la voie ferrée.
Combats aériens du côté
de Semallé et Neuilly le bisson. Deux avions tombent en vrille.
Nationalité inconnue.
En fait l’un des deux
était le P47 du Lt Bentley ( originaire de l'Oregon ) dont
l’avion, entraîné par la déflagration consécutive à
l’explosion d 'un fourgon du train, percuta la voie ferrée prés
de Vingt Hanaps. Le
corps du pilote carbonisé restera longtemps sur place. Mr
Bernard Pottier de Neuilly le Bisson, possède des souvenirs
personnels et souhaiterait les restituer à la famille ou à ses
descendants.
17 Juin:
Le
terrain d'Essay sert de cible ...
Un bruit sourd dans le
lointain. De lourds nuages rasent le sol. C'est le terrain d'Essay
qui sert de cible. Les serveurs cohabitant dans nos murs
identifient des formations de Liberator, bombardier
quadrimoteur.
Le vent défavorable atténue
le grondement du bombardement. Un bruit sourd et persistant
parvient jusqu'à nous.
Mai et juin 1940 Nous étions
déjà réfugiés au haras de Bois Roussel. Les troupe françaises
avaient laissé les locaux du château dans un état lamentable,
tué les deux cygnes du bassin avant leur départ précipité
vers le Sud.
Les motocyclistes
allemands constituant l'avant garde de l'armée d'invasion nous
avaient surpris un beau matin de Juin alors que nous étions à
peine éveillés. Un tintamarre de moteurs sous nos fenêtres
nous incitait à sortir de notre refuge pour découvrir le
spectacle impressionnant de ces motards menaçants revêtus
d'imperméables gris, couverts de poussière. Après une visite
rapide de la maison, l'un d'eux s'installait au piano et interprétait
des chants guerriers .
Note " La Luftwaffe
face au débarquement allié de Jean Bernard Frappé . Témoignage
d'un pilote allemand "Le 17 Juin peu avant 13 heures les
pilotes allemands sont surpris par une vingtaine de mustangs qui
réussissent à abattre 3 Focke-wulfs ..
"Nous avions fait de
vrais efforts pour arranger le terrain lorsqu' une attaque nous
prit par surprise . Nous nous sommes jetés à terre lorsque
l'enfer se déchaîna autour de nous . C'était un chaos total .
Une éternité plus tard nous étions toujours vivants.
En fait visité aux dernières
heurs de la journée vers 20 heures 30 par 38 Liberator, le
terrain d'Essay aura reçu prés de cent tonnes de bombes qui
ont atteint leur cible. 25 autres B25 venus s'en prendre au
terrain occupé par le I/JG 1 à Lonrai ayant mis à côté.
Suite à cette attaque
qui a pratiquement détruit le terrain ,le II/JG 1 ne peut
qu'abandonner ce site trop exposé et va s'installer dans les pâtures
jouxtant le village de Semallé se rapprochant ainsi de Lonrai.
Une piste en herbe étroite bordée d'arbres hauts a été
installée et d'autres le seront encore dans les jours suivants
dans les prés et dans les champs bordant la route reliant Alençon
à Essay.
Ce jour ,combat d'avions
qui entraîne l'incendie de la ferme de Beauvais.
22 Juin.
Il est environ 14 heures.
Dans le lointain un avion tombe en vrilles derrière les épaisses
frondaisons de la forêt de Perseigne.
Rapport de Mr Paganet de
Cerisé: Le 22 Juin 1944 vers 14h30 s'est produit au dessus du
bois de Maléfre ( Sainte Paterne ) un combat d'avion à la
suite duquel un appareil allemand est allé tomber en flammes
sur la forêt de Perseigne ,lieu dit " Le Fourolet " (Ancinnes
).
Le pilote sauta en
parachute mais fut abattu par méprise par des collègues
allemands lors de sa descente avant de s'écraser au carrefour
de " Fontaine Pesée "
24 Juin:
Après quatre jours de
mauvais temps... fébrilité des serveurs de batteries. Ils
circulent en s'agitant dans notre cour bordant la mairie.
Combats d'avions de
nationalité inconnues au dessus de nos têtes .
28 Juin:
Un
chasseur s'écrase prés de Semallé...
Un chasseur s'abat du côté
de Valframbert nationalité Anglaise d'après quelques témoignages.
Je capte au poste à galène
l'exécution de Philippe Hanriot.
Le 28 Juin 1944 un avion
de chasse tombe à proximité de Semallé sur le territoire de
la commune de Valframbert . La tombe du pilote inhumé sur place
porte les indications suivantes : A british aviator identity
unknown died on June 28 1944 . A dog-fight with german planes.
Plane no MN818.
Note Après
recoupement
l'avion de Semallé pourrait être le Typhoon MN818 piloté par
le FO Holmes 609 eme squadron.
29 Juin:
Les
yearlings affolées ...
Note: Bernard Frappé, Un
pilote de la II/JG1 sera blessé ce jour du 28 Juin. le FHJ FW
Brunner de la 6 Staffel a été pris pour cible par deux
chasseurs ennemis alors qu'il circulait en voiture sur la route
reliant Essai à Alençon.
Un autre jour , les
yearling affolées par le passage de chasseurs bombardiers
Thunderbolt piquant à basse altitude au dessus de nos têtes
passent au grand galop à proximité de notre cachette. A plat
ventre dans les hautes herbes prés d'une haie, nous n'osons
faire un mouvement. Une frayeur ajoutée à une autre nous fait
réfléchir au risque qu'il y a, de traverser les prairies alors
que nos vaillants pur-sang sont en train de brouter l'herbe
tendre de la prairie.
Combats aériens. On
entend parler d'un bombardier allemand tombé dans la forêt de
Perseigne.
Monsieur Jacques Paganet
de Cerisé m'apporte le témoignage suivant
"Le 23 Juin à 2
heures du matin, un bombardier allemand tomba en forêt de
Perseigne à quelques centaines de mètres de la maison forestière
du Buisson et Mr Boissier Abel chef de district à l'époque
sauva des flammes un blessé ce qui lui valut un diplôme de
reconnaissance de l'armée d'occupation.
Cinq autres aviateurs périrent
carbonisés. Une pancarte en bois intitulée ( Ici cendres
humaines ) surmontait un édifice de pierres entassées les unes
sur les autres. Cette pancarte disparut par la suite. Monsieur
Blossier fit cela dans un but humanitaire et non de
collaboration"
6 Juillet:
Un combat dans le
lointain en cette fin d'après-midi. Plusieurs avions tombent
dans la campagne environ au nord ouest par rapport à nous.
9 Juillet:
Au loin, un avion tombe
en flammes du côté de Larré. un parachute se détache.....
16 Juillet:
Ce
dimanche Un
bombardier s'écrase à " la Chouannerie "
Une explosion lointaine
...
Les bruits les plus
divers circulent. Un avion allié est abattu par la DCA
allemande à la Bélandrie prés de Larré, lieu dit " La
Chouannerie " D'après le fermier, tout l'équipage de sept
hommes a péri.
Il allait ravitailler
parait il, en armes et munitions le maquis local. Les munitions
explosent toute la nuit. La même question se pose. Quelle est
la nationalité de cet avion ? allié sans aucun doute !
A la demande du maire de
Larré J'ai pu identifier cet avion en 1998 avec l’aide de l'ANSA.
Il s'agissait d'un quadrimoteur Halifax transporteur d'armes et
de munitions qui, après avoir décollé de Tarrant Rushton
devait ravitailler le terrain " Goudron " de Radon
situé en limite de la forêt d'Écouves. Six victimes identifiées
et une 7eme inconnue trouvée bien plus tard dans un champs de
betteraves sous une trappe ou porte de l'avion. Cette victime
non identifiée pourrait être un membre du SOE (Special
operations executiv)
La cause de ce crash m'a
été donnée en 1999 suite à un témoignage du maire de
Forges. Une DCA était installée sur le territoire de Forges.
parmi tant d'autres dont celle de Bois Roussel ( Les fontaines
); Les allemands suspectant la présence d'un terrain de
parachutage dans les environs installèrent plusieurs feux
figurant l'emplacement de la zone prévue de largage des
containers.
Le pilote du Halifax piégé
par la présence de ces feux réduisit la puissance des moteurs
pour descendre à l'altitude de lancement. La flak allemande ne
laissa aucune chance à l'avion lanceur et l'abattit. Les noms
des membres d'équipage furent longtemps inconnus.
A la recherche des
familles , j'ai pu trouver en 2003 Tom et Elsa Linning par
l'intermédiaire d'un site de généalogie. Ils m'adressèrent la
photo de l'un des membres de l'équipage William Edward Linning,
24 ans. Squadron Royal Canadian Air Force. 298 RAF (proche cousin
de Tom linning ).flying officer operateur et mitrailleur à bord
du Halifax. Ils découvraient ainsi 60 années après, la tombe
de William et les circonstances du crash .William Linning
originaire de l'Alberta est Inhumé aujourd'hui avec ses
camarades canadiens au cimetière de Bretteville sur Laize (
Calvados ).
Autres membres d'équipage
P/O James Foxall Crossley Pilote 24 ans, Sgt Edward Maurice
Cyril Wilkinson flght eng 24 ans, WO Joseph Wilfred Romeo
Fournier operateur et mitrailleur ,FO Derwood William Smith 22
ans bombardier , Sgt Enzo Biaggio Grasso bombardier 23 ans et un aviateur non identifié
Par la suite,
j’apprendrai qu’une dizaine de terrains de parachutages
avait été mis en place antérieurement à août 1943 par
Edouard Paysant, chef départemental du BOA ( Bureau des
operations aériennes ). Edouard Paysant devait quitter son
domicile de Sées suite au crash du 4juillet 1943 d'un B 17 à
Belfonds et après avoir organisé et facilité l’évasion de
6 membres d’équipage rescapés ( voir le rapport "
independence day" du site ANSA ). Rappelons que les
terrains de Montmerrei, le Merlerault, Haras des Rouges Terres
reçurent des tonnes de munitions mais aussi plusieurs agents
secrets préparant ainsi l'armement des résistants à
l’approche du débarquement.
Les conséquences...
Nombreuses arrestations de membres du BOA dont mon voisin
Albert Frémiot, place du Parquet à Sées, notre instituteur Jean
Mazeline au cours complémentaire. Après un emprisonnement au château
des ducs d'Alençon tous deux seront fusillés à
l’home chamodot ( Orne ) le 8 août 1944 avec deux autres résistants.
Dans le cadre de ce crash
rappelons l'arrestation et la déportation de plus de 20
habitants de Sées et des environs dont les quatre gendarmes de
la brigade locale.
18 Juillet:
Combats aériens. Pour nous c'est un
spectacle courant. Le problème, c'est que nous ne savons jamais
quel est le vainqueur.
20 Juillet: Un poste émetteur
dans la forêt ...
Un agriculteur voisin (
je n'ai jamais pu connaître son identité ) un peu éméché,
arrive affolé dans notre demeure. Il vient de trouver dans la
forêt proche, un engin qu'il ne parvient pas à identifier. Par
curiosité, nous le suivons prudemment, Le moindre craquement
des branches mortes dans le silence de la forêt nous fait
tressaillir. Pas d'allemands en vue, il nous entraîne à
travers sentiers et ombrages dans une semi pénombre vers le
lieu de sa découverte... le bois à Léguernay. Une masse
blanche se détache sous les branches. Finalement, avec étonnement
nous découvrons sous le couvert des grands arbres, un
parachute recouvrant partiellement un poste à lampes.
Plusieurs lampes sont cassées, au milieu de débris de verre
épars sur les feuilles mortes... Notre guide témoigne:
" Craignant
l'explosion d'un engin, ,je me suis caché derrière un arbre et
j'ai assené plusieurs coups de bâtons sur la boite fixée au
parachute". Résultat... un poste
radio complètement détérioré et pratiquement irrécupérable. C'était à coup sûr un poste
émetteur destiné à la résistance
locale et maintenant hors d'usage.
Le lendemain, deux hommes, mines sombre et peu engageantes surgissent à la tombée de la
nuit alors que nous sommes encore à table. Ils laissent transparaître
une certaine inquiétude. A mots couverts ils nous
demandent si nous n'avions pas eu connaissance d'un parachutage
dans les environs... Hésitation de notre part... Gestapo
ou Résistance ? Cette incertitude dictée par une prudence
compréhensible nous incite à rester muets devant ces questions
précises. Nos deux inconnus repartent déconfits et suspicieux.
Avec le recul, je reste
persuadé que ce poste émetteur parachuté que nous venions de
trouver complètement détérioré, était destiné au groupe
Tessier de Tanville réfugié à Vingt Hanaps. Nous savons
aujourd'hui que ce groupe devant la menace d'une intervention à
Tanville avait été obligé pour des raisons de sécurité de
quitter les lieux. Le maire et un habitant venaient en effet d'être
fusillés par les allemands.
Ce groupe maintenant établi
à Vingt Hanaps avait dû déménager une fois encore en raison
de la proximité des terrains d'aviation de Lonrai et de Semallé.
Une perte énorme pour
ces résistants dont la qualité de la communication par radio
avec les services de la RAF était l'un des gages de réussite
des missions de ravitaillement en armes et munitions. En effet
ces missions de parachutages nocturnes avaient pour but de
fournir armes et munitions, dans le cadre du plan "tortue
" , aux résistants sur le pied de guerre depuis l'annonce
du débarquement des troupes alliées ...
Ménil Erreux (
note dans le pays d'Essai Mr Paguenet Jacques )
A Menil Erreux qui se
trouve à l'écart des routes nationales et des lignes de chemin
de fer les opérations de guerre se sont réduites à peu de
choses.
Fin Juillet les
Allemands y ont aménagé dans les prés voisins de la "
Normanderie " un vaste terrain d'aviation ( d'au moins 150
hectares ) mais la maîtrise de l'air que possédait les alliés
les ont empêchés de l'utiliser plus de 5 ou 6 jours..."
29 Juillet:
Un
blessé ......
Visage ensanglanté, un
serveur des batteries de DCA arrive jusqu'à nous pour recevoir
quelques soins. Un obus lui a éraflé l'oreille gauche alors
qu'il servait l'une des batteries installée " aux
Fontaines ", lors de l'attaque récente des P47 . L'un de
ses collègues lui fait un solide pansement.
Au loin des fusées s'élèvent
dans le ciel étoilé de ce mois d’été et descendent avec
une lenteur infinie.
30 Juillet 1944:
Sombre
dimanche ! Crash d'un Mosquito !
Il y a tant d'étoiles
dans le ciel ! Nous dormons à poings fermés malgré le déroulement
des événements de la veille. Un avion rase le toit de notre
refuge mais cette fois nous avons pris la précaution de dormir
à la cave espérant y trouver davantage de sécurité. Une lourde explosion fait
vibrer la maison. Réveillés en sursaut, nous n'osons sortir
de notre abri.
31 Juillet 1944:
Découverte
de l'épave ...
Dés l'aube, vers six
heures, un serveur allemand habitué des lieux, frappe à notre
porte et nous fait comprendre qu'un avion est tombé à proximité
de la route. Ma curiosité m'incite à le suivre et en fait il
ne fait aucune objection. Un bosquet
noirci par
les flammes sur un demi hectare, des morceaux métalliques épars
encore fumants. Et devant nous,
les corps
atrocement mutilés des deux occupants, le pilote et le
navigateur, reposant au milieu d'un amas de branchages. En
un seul mot le serveur
des batteries me fait comprendre qu'il s'agit d'un
Mosquito chasseur de nuit de la RAF abattu par la DCA locale. Il tire
une carte d'identité de la vareuse de l'une des victimes
et la
conserve sur lui... peut être pour la remettre à la
croix
rouge ?
Inutile de dire que ce
drame nous désespère, sachant que les alliés progressent sur
tous les fronts. Le problème est de savoir comment notre région
va être libérée et dans quelles conditions pour tous.
Les allemands ne tardent
pas à se manifester. Dés le surlendemain, après avoir
recueilli les corps des victimes, ils organisent une rapide cérémonie
à la limite de notre jardin, à quelques mètres de nous et
malgré notre insistance refusent notre présence sur les lieux.
Un peloton d'hommes en armes est déjà présent prés de la
future sépulture.
Une salve trouble le
silence de notre campagne. L'émotion est grande.
Cette cérémonie expéditive
s'est déroulé devant nos yeux, dans le plus grand silence.
Il s’agissait de Frank
Carr flying officer ( nav ) 24 ans, royal vunlonteer reserve de
Swinton manchester et Robert Henry Clark flight lieutenant 24
ans, royal volunteer reserve ( parents habitant Fulham London )
tous deux du 487 eme squadron de la Royale New Zeland Air Force.
14 Avril 1996 Bursard
Un pâle soleil perce la
brume ...Il est pourtant midi
Une tombe en marbre clair
,isolée dans un angle du cimetière ( dans le fond à gauche )
avec cette épitaphe " A la glorieuse mémoire de Flying
officer Francis Carr no 148458 27 Octobre 1919 30 Juillet 1944
et de Robert Henri Clark No 487 Squadron RNZAF 16 Février 1920
30 juillet 1944 Tombés en combat aérien dans le bois de la
Garenne Bursard Orne RIP "
"The other
generations might possess from shame and menace . Free in years
to come a richer heritage of happiness they marched to that
heroic martyrdom "
1er Août:
Un
général inconnu.... Leclerc
C'est la surprise ! Écoute de la BBC Une division française aurait débarqué en
Normandie. Un nom revient souvent... Leclerc
Une voix lointaine
perce le brouillage . Elle annonce la disparition de Saint Exupéry
en Méditerranée. Pour moi c'est l'évocation de "
courrier Sud ", " Vol de nuit ", "Terre des hommes
", " Le petit prince".
12
Août 1944: Enfin !
La
joie est totale… La
libération de notre secteur se déroule sans trop de
problèmes. Par contre les allemands dans leur départ précipité, ont
fait sauter toutes les batteries de DCA entourant notre
mairie,
abandonnant une quantité impressionnante de matériel. Sous l'une des batteries...
un paquet de photos évadées d'un porte-feuille. Je me fais
un devoir de les récupérer. Elles meubleront mon album
familial. Sur l'une d'elles, des
fantassins de la Luftwaffe posent assis sur l'affût d'un canon
pour un photographe anonyme. Le serveur tient fièrement entre
ses bras un obus, prêt à l'introduire dans la culasse. Des
souvenirs de campagne de guerre qui n'atteindront jamais les
familles ....
A Key West (Floride ) je
rencontrerai en 1962 un officier américain qui me racontait
enthousiasmé, avoir participé à la percée d'Avranches, et
ensuite à la libération des villages environnant la région
d'Alençon, avec la 3eme armée Patton. Sous le chaud soleil du
mois d'Août, assommé par les rasades de "calva" , il
n'avait pu continuer sa route. ll ajoutait toutefois "Les
haies de la verte Normandie, c'est une chose que je n'oublierai
jamais ! Au détour de chaque haie c'était l'embuscade
! " Parlait il de l'ennemi ou du calva ?
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L'occupation -journal personnel- Crash d'avions - Enquêtes - Parachutages et évasions aviateurs alliés
mardi 20 novembre 2018
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