vendredi 12 avril 2019

Independence day 4 juillet 1943 SEES BELFONDS

Independence day 4 juillet 1943  
Raid de la 8eme Air Force sur les usines du Mans le 4 Juillet 1943 dans notre région, et le sort des aviateurs des forteresses volantes B17 abattues ce jour.  

Au fil des deux années passées à rechercher les événements qui ont émaillé cette journée d'été ensoleillée du 4 Juillet 1943, fête de "l'independence Day" pour les États-Unis d'Amérique, les sources consultées ont été de quatre ordres. Les plus enrichissantes ont été les contacts avec les intéressés, c'est à dire les aviateurs rescapés eux mêmes. Viennent ensuite les archives de l'U S Air Force Maxwell de l'Alabama puis les documents de référence ou d'information générale, et enfin diverses contributions personnelles spontanées ou sollicitées auprès de chercheurs spécialisés dans l'étude de la guerre aérienne.
Volontairement, la présentation de cet article a été simplifiée de manière à garder les éléments essentiels liés à ces évasions... longues et opiniâtres odyssées d'hommes décidés à échapper à tout prix à l'emprisonnement, sous la protection d'âmes compatissantes, bénévoles ou appartenant à diverses filières patriotiques. Aventure humaine, avec un seul but, rentrer en Grande-Bretagne, seule terre de liberté attachée aux rivages de l'Europe occupée.
Il faut rappeler avant tout que dans chaque cas, les événements malheureux vécus au sol par les habitants et leurs conséquences douloureuses avaient été relatés en diverses occasions par la presse locale. Dans le cas présent, il s'agissait surtout de mettre en évidence la partie restée totalement inconnue de cette aventure, c'est à dire le long retour semé d'embûches des aviateurs rescapés, ce jour de "l'Independence day", dans leurs bases ou leur pays d'origine.

Ce jour du 4 Juillet 1943 lors de l'arrivée de la formation de forteresses volantes B17 sur l'objectif, plusieurs drames se déroulaient au dessus des départements de l'Orne et de la Sarthe, pratiquement à la même heure.  
  
Résumons les faits:

Cent soixante cinq forteresses volantes B17, décollant des bases du Sud Est de l'Angleterre, sont dépêchées ce jour de "l'independence day" sur les objectifs définis par l'état major de l'US Air Force. Cent parmi elles mettront le cap sur les usines Gnome et Rhône, fabriquant des moteurs d'avions allemands Focke-wulf. Les soixante autres auront pour objectif les écluses de La Pallice. Plusieurs installations environnantes, dont la gare de triage du Mans et l'aérodrome adjacent, seront également visées.
En ce dimanche d'été, les Sagiens témoins de ce drame se souviendront que ce jour là, le ciel était bleu sans nuages lors du passage de la formation de l'US air force. Et pourtant les chasseurs de combat Thunderbolt et Spitfire accompagnant les forteresses seront rappelés prématurément par leurs bases d'origine en raison d'une détérioration des conditions météo en Grande Bretagne. Handicap certain pour ces lourds bombardiers privés d'assistance lorsqu'il s'agit d'affronter la chasse allemande toujours à l'affût. Selon les rapports maintenant disponibles aux archives américaines, la première partie du vol se déroulera sans incidents notables et si l'on se réfère aux sources militaires, les pilotes témoigneront avoir atteint leurs objectifs respectifs.   
le B-17F 42-29960 "Nymokymi" en Juin 1943.
Les restes de "Nymokymi" à Belfonds. Ce sont les seules photos existantes de l'épave prises par Roger Cornevin à 10h00, le 5 juillet au matin.
Aux abords du Mans, la Flak allemande fait mouche et touche une première forteresse. Au loin, un essaim de chasseurs allemands se prépare à l'attaque... Le moteur extérieur droit de la forteresse "Nymokimi" du lieutenant Gordon Erickson vient d'être touché de plein fouet par la Flak et l'hélice est mise en drapeau. C'est donc un avion en détresse, traînant un long sillage de fumée noire, qui arrive au dessus de la petite ville épiscopale de Sées, lors du retour de la formation vers l'Angleterre.
Ce jour à midi, les paroissiens quittent la cathédrale et, au stade des Ormeaux, la Wehrmacht qui occupe régulièrement le terrain a laissé le champ libre aux équipes d'athlétisme locales et régionales. Je serai donc le témoin malgré moi de ce drame qui endeuillera la petite ville de Sées. Par la suite j’établirai des relations avec John Carah, Paul McConnell et David Butcher aujourd’hui décédés(voir à ce sujet le crash de Nymokimi à Belfonds ( Sées ) ).
La forteresse, objet de tous les regards, essaie désespérément d'atteindre Grafton Underwood, au nord de Bedford, base de départ la plus occidentale de l'East Anglia qu'elle a quittée deux heures plus tôt. Mais elle n'en possède plus les moyens. 
Le pilote Gordon Erickson témoigne "Un moteur en moins, nous nous traînons derrière la formation qui remonte vers le Nord.  La chasse allemande aux aguets en profite pour se ruer sur notre avion isolé et désemparé. Les circuits d'oxygène dont nous disposons pour voler à plus de dix mille pieds sont alors détruits par une rafale particulièrement meurtrière. Je donne l'ordre de sauter. A bord l'incendie fait rage et les membres de l'équipage se ruent vers les issues de secours. Nous éprouvons les plus grandes difficultés à vouloir ouvrir les trappes d'évacuation. Ma combinaison prend feu et je tente d'étouffer les flammes avec mes mains. En désespoir de cause, ,je me dirige vers l'issue de secours se trouvant à l'avant, suivant de prés le mécanicien. L'ouragan d'air glacé pénétrant par la trappe d'éjection vient enfin à bout de l'incendie qui consume lentement ma  combinaison de vol.  Au dessous de moi, cinq corolles blanches... une région de bocage verdoyante... une rivière et une cathédrale dans le lointain.  J'atterris indemne sur un sol inconnu et mon parachute reste accroché aux branches d'un pommier... mes pieds touchant à peine le sol. Plusieurs habitants accourent pour me venir en aide et me débarrasser de mon équipement, parachute, harnais, Mae West. Précipitamment, j'utilise mon poignard pour couper les suspentes de mon parachute. Bientôt je resterai dissimulé dans une double rangée de haies avant d'être rejoint par trois autres membres de l'équipage, brûlés aux mains et au visage". 
En réalité huit aviateurs sauteront sur la plaine de Belfonds dans un zone comprise entre le hameau de Condé le Butor et l'église de Cléray. Deux aviateurs sont restés à bord...
Le bombardier, le lieutenant Donald Irvine, tombera avec les restes d'une tourelle de mitrailleuse prés de Belfonds au lieu dit "le chêne d'amour" et le navigateur, le lieutenant Francis Hackley, s'écrasera parachute en flammes au "Val d'enfer".
Deux membres de l'équipage ne pourront échapper à l'emprisonnement, malgré l'intervention rapide des villageois et des membres  de  la résistance locale, dont Édouard Paysant, chef départemental du BOA, et le maire de Mortrée, Victor Chevreuil.  
Les  six rescapés, camarades d'infortune de la forteresse abattue, seront partagés en deux groupes. D'un côté le lieutenant pilote Gordon Erickson et trois des membres de l'équipage seront mis à l'abri dans une grange prés du village de Belfonds. Del'autre, les deux blessés Willard Freeman et Charles Mankovick seront acheminés sur une civière par la résistance locale dans un premier abri et ensuite en forêt de Gouffern prés d'Aunou le Faucon. Une cabane de branchages dissimulée dans l'épaisseur de la forêt les abritera pendant trois semaines et permettra à nos deux rescapés de recevoir les soins appropriés. "Notre hutte n'était pas très étanche mais elle suffisait à nous abriter des intempéries du mois d'Août, deux docteurs venaient régulièrement s'assurer de la progression de notre guérison" témoignera Freeman.
Six mois après la date du crash, quelques nuits passées à la belle étoile et un long séjour dans la région lyonnaise pour reprendre quelques forces, nos deux convalescents atteindront en Décembre 1943 l'Angleterre, et leur base respective de départ.   
Le quatuor dirigé par Gordon Erickson, accompagné des sergents Ashworth, Penly et Wingerter, atteindra Gibraltar fin août 1943 après un voyage mouvementé et une traversée du Pays basque sans problème majeur sinon l'inquiétude suscitée par le regard insistant à Dax d'un agent allemand intrigué par les chaussures de nos voyageurs. Suspicion inquiétante qui fait trembler nos quatre évadés et craindre le pire. Leurs faux papiers résisteront ils à un examen approfondi ? Après un long dialogue, le guide, homme d'expérience finira par les sortir de cette délicate situation.
Enfin nos rescapés termineront leur périple de l'autre côté de la frontière dans un camion transportant... des poussins ! Bientôt, c'est Bilbao et enfin la liberté au consulat britannique .
Dés leur arrivée à Londres après le passage des Pyrénées et leur prise en charge à Gibraltar par la RAF, Freeman et Mankowick nos deux blessés enfin rétablis, annonceront leur arrivée à bon port par le message suivant émis sur les ondes de la BBC "Les amis du petit bois sont bien arrivés". Un soulagement pour tous ces sauveteurs résistants et aides bénévoles des régions de Sées, Mortrée et Argentan qui avaient contribué à faciliter leur évasion au risque de leur vie.  
Willard Freeman
Gordon Erickson
(Collection Didier Cornevin)(Collection Didier Cornevin)
Grafton Underwood, terrain de décollage du 384 BomberGroup, aujourd'hui.

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