Que
se passe t il dans nos villes et nos campagnes ?
A cette date l’avion et les
techniques radio récentes ont déjà révolutionné les moyens
d’action des belligérants de la seconde guerre mondiale ,imposant
des changements essentiels à la nature ,au déroulement et aux
formes de la lutte
clandestine
.On peut dire que la BBC
(radio de Londres à destination des nations occupées)que chacun
écoutait discrétement régle l’ existence de la plupart des
français tout au moins pour ceux qui accordent la plus grande
confiance aux alliés en écoutant les nouvelles transmises par
Robert Schuman , Jean Marin , Pierre
Jourdan .Pierre Dac
Pour ce qui est de la lutte
clandestine organisée par les réseaux de résistance une évidence
s’impose , les conquêtes techniques constituent des atouts aux
effets incalculables .
Que pouvait faire la résistance si
les combattants de l’ombre même pourvus d’un courage
exceptionnel n’avaient eu pour eux la voie des airs ,sans la
possibilité offerte de la sorte à la France libre et aux alliés de
pénétrer au coeur d’un territoire occupé par l’ennemi , en
rivalisant avec les dangers de la mer , les défenses des frontiéres
et des fortifications ,
Comment les groupes de résistants
pouvaient ils communiquer avec nos futurs liberateurs ,
Recevoir du ciel par une nuit de
pleine lune ,quel que soit le temps ,des armes ,des munitions des
medicaments … tel ést l’enjeu de cette lutte qui oppose sur
terre et dans les airs la Luftwaffe ,la flak allemande ,la wehrmacht
, les bombardiers anglais ,et les résistants combattants de l’ombre
disséminés dans les maquis
Les messages de la BBC
Sans la télégraphie sans fil ,sans
les émissions des radios clandestins éparpillés à travers la
France ,sans les écoutes de Londres ,sans les messages personnels
de la BBC ,comment
auraient pu s’effectuer les liaisons , se transmettre les
instructions , s’échanger les renseignements ?
. Chaque soir les messages les plus sybillins abondent sur la BBC que beaucoup de français écoutent discrétement avec la crainte permanente d’être surpris
Un
message secret de la radio de Londres annonçe le lieu d’un
parachutage et la date du rendez vous adressés à differentes
équipes sur le qui vive mais conscients du danger
L’heure
du rendez vous
. Pour etre présent au
rendez vous et echapper aux tirs de la DCA et aux chasseurs de nuit
de la Luftwaffe , l’avion anglais doit naviguer feux éteints
dans la pénombre ,reperant les points stratégiques ,lacs ,ponts ,
lignes de chemin de fer, cours d’eau , villes calfeutrées ..enfin
toutes sortes de signes distinctifs avant de trouver enfin un
terrain identifié par la présence au sol de lampes torches formant
une lettre de reconnaissance Il s’agit de larguer à cet endroit
précis les containers de munitions et de médicaments attendus par
les résistants
Au cœur de ces paysages
grandioses et inconnus , obscurcis par la nuit il faut à tout prix
trouver le terrain défini par differents codes et le contenu d’un
message secret
Ignorant cette guerre de l’ombre
pendant cette période d’occupation ,un soir de clair de lune je
vis un lourd bombardier passant à basse altitude tous feux éteints
au dessus de la ville …surprise totale ! quel était donc cet
avion bruyant bravant la chasse de nuit allemande
J’
ai compris tardivement , quelques mois après la liberation la
signification de ces vols de nuit mystérieux .Le parachutage
d’armes et de munitions indispensables à la resistance ornaise
…. Telle était la mission de ces bombardiers en plein territoire
occupé … au nez et a la barbe des DCA germaniques et bien sûr
des chasseurs de nuit de la Luftwaffe toujours aux aguets ..
Qui
devions nous admirer le plus en ces nuits de pleine lune ..le sang
froid de ces équipages de la RAF ou la détermination des comités
de récéption au sol composés d’hommes au courage énorme ,
conscients du danger mais prés à se sacrifier pour la cause de la
résistance
L’équipe Tessier de Tanville ( le pére « le sanglier « et ses deux fils surnommés les marcassins ) parcourut de longues randonnées en forêt , dormant à proximité des lieux de parachutages dans des conditions extrémement précaires, bravant les intempéries mais surtout la menace permanente des patrouilles allemandes conscientes de la présence de ces réseaux clandestins Les équipes de réception dés la récuperation au sol des précieux containers dissimulaient provisoirement les objets tant attendus dans les buissons ,sous une couche de feuilles mortes ou de fougéres ou au creux d un fossé Une véritable d’existence d’homme des bois …
Encore fallait il un moyen de transport approprié et une cache adaptée pour conserver en toute sécurité ce matériel facilement repérable
Avions ravitailleur de maquis abattus en cours de mission dans notre département
Avant
et après le débarquement du 6 Juin 1944
En
général ces avions britanniques étaient lourdement chargés et le
fait de voler à basse altitude représentait un handicap certain .
Le
12 Août 1943 un
Halifax du 138 eme squadron basé à Temsford et en mission SOE
,touché par la flak volant à une altitude de 500 métres s'abattait
vers 23.30 heures dans un herbage en bordure Est du bois du Frileux
,commune d'Ecorcei (Orne)
L'avion
ravitailleur de maquis préparait un lancer de parachutes pour le
réseau clandestin Spruce 20 /21
Deux
aviateurs Foster et Cameron furent tués et inhumés au cimetiére
d'Ecorcei ,
Trois
aviateurs griévement brûlés se rendront aux allemands aprés
s'être réfugiés au chateau des Graviers Deux autres Scott et
Trusty réussissent à s'échapper vers le village des Genettes puis
vers Moulin la Marche
Concernant
un Halifax de la RAF et du même squadron chargé également d'une
mission de parachutages un témoin se souvient le 17 Août 1943
avoir vu un avion pris dans les projecteurs de la DCA .de la flak
d'Aube Saint Esprit " Celui çi volait si bas que l'on
apercevait les hommes à bord . L'avion toucha la ligne à haute
tension , explosa puis s'écrasa sur la commune d'Aube prés du lieu
dit " Les vallées ".Des explosions s'en suivirent pendant
plusieurs heures . L'appareil transportait des munitions et des
pigeons voyageurs destinés au maquis dans le cadre d'une opération
du réseau
Le pilote Norman Hayter de
nationalité australienne et quatre aviateurs anglais furent tués
sur le coup Les deux survivants les sgt WS Davies et JA Hutchinson
décéderent de leurs brûlures et seront inhumés au cimetiére de
Bernay
En
1944 plusieurs bombes tombérent à l'endroit du crash .Elles
visaient certainement la batterie allemande située à proximité
Les
américains sont venus à la rescousse …Le 5
Avril 1944 un Liberator du 801 BG et du
406 BS touché par la DCA de Berniéres le Patry ( Calvados
s'abattait au lieu dit "Les Haieries " ou Anfernel ( 3
kilométres au nord ouest de Tinchebray ) Ce bombardier de l'USAF en
mission SOE avait décollé de Harrington à 22 heures pour
ravitaillet le maquis de Sainte Marguerite ? Six membres d'équipage
seront tués lors du crash et inhumés à Truttemer le grand
Le
lieutenant Kalbfleisch rescapé témoigne " Nous volions à 300
métres d'altitude a la recherche des feux posés par le réseau de
resistance lorsqu' un obus a touché le compartiment du navigateur
A150 métres nous avons sauté et l'appareil s'est écrasé aussitôt
aprés . Les allemands nous ont tiré dessus pendant que nous
descendions . Je n'ai pas eu le temps de cacher mon parachute et je
l'ai jeté dans une riviére proche .
Le
sergent Porter autre rescapé est tombé à proximité des batteries
de DCA allemandes" J'ai passé une haie , je l'ai suivie en
courant en passant prés de plusieurs piéces de DCA à ma gauche ,
et à ma droite ...évitant ainsi de justesse ceux en fait qui nous
avaient abattus "
Le
11 Avril 1944 vers 23
heures 15 un Halifax en mission de ravitaillement des maquis de la
région touché par la DCA , passait en flammes au dessus du bourg
de la petite Savetiére ( Commune de Sainte Gauburge ) en éclairant
les maisons d'une immense lueur . Ses moteurs tournant à plein
régime ,Il s'écrasait à environ 200 métres de la route de Paris
. On retrouvera dans les débris une grande quantité de produits
pharmaceutiques , postes radio .
destinés
au maquis Les huit membres de l'équipage Anglais et Canadiens sont
enterrés à Saint Hilaire sur Rille prés de Aube ( Orne )
Dans
la nuit du 9 au 10 Mai 1944
un short Stirling du 90 eme squadron basé à Tudenham Suffolk est
touché par la batterie de Berniéres le Patry et s'écrase vers
23 heures 45 à Saint Jean des Bois ( Tinchebray )
Trois
hommes d'équipage sont cachés dans la forêt de Gers ( Témoignage
de André Rougeyron )et ravitaillés par un cultivateur Henri Durand
habitant les Gériers Nous partons pour la forêt et aprés
plusieurs appels découvrons trois gaillards bizarrement accoutrés
s'approchant craintivement
Il
s'agissait de Ph Green , Royston John et de Charles Potten ...
Par la
suite j'apprends que le docteur Ledos a été arr^té , et je demande
à Bourgoin d' abriter mes pensionnaires à l'Ermitage
Green
témoigne "C'était mon 31 eme vol et nous avions pour mission
de lâcher armes et approvisionnement sur un terrain situé dans le
sud de la France
Nous
devions effectuer ce trajet en respectant un horaire rigoureux ,
franchir la côte immédiatement aprés le crépuscule et au retour
être hors de France avant l'aurore . Nous volions prés du sol sans
avoir éveillé exagérément les défenses allemandes Nous avons été
touchés par la DCA ( Il s agissait de la DCA de Berniéres le Patry
) Moteur tribord en feu , moteur babord hors d'usage . Trop bas nous
ne pouvions sauter en parachute . Il fallait donc s'écraser avec la
machine ...
L'un
aprés l'autre nous sommes sortis dans l'herbe longue et drue ,Une
bonne terre de France ferme et sûre temoignera l un des
rescapés
Témoignage
personnel
Le
16 Juillet 1944 alors
que nous étions réfugiés à Bursard nous apprenons qu'un
bombardier venait de s'écraser de nuit prés de Larré au lieu dit "
La Chouannerie "
.
C'était un Halifax qui dans le cadre d'une mission SOE devait
larguer ses parachutes sur le terrain "' Goudron " situé
prés de Radon en bordure de la forêt d'Ecouves Mais les allemands
avaient semble t il déplaçé les feux de balisage L’avion trompé
ne put éviter la flak Les munitions stockées à bord explosérent
une grande partie de la nuit
Nous
trouverons dans la forêt un poste émetteur certainement destiné
au réseau de résistance local
Rappelons quelques messages diffusés par la BBC parmi tant d’heures d’écoute mais generalement vers 19 heures et destinés aux résistants de notre région Chaque français rempli d’espoir écoutait les avec attention mais sans pouvoir deviner leur signification
CI
LONDRES, LES FRANCAIS PARLENT AUX FRANCAIS...
« Chaque tiroir a sa clé «
« Noémie a un bouquet de violettes «
« Elle a cueilli de pleins paniers de fraises «
« Nous aimons le civet
«
Qui ne connaît
pas au moins quelques-uns de ces messages ? Derrière une phrase
amusante ou bizarre se cachait souvent une grave décision : la
préparation d’un atterrissage, la réception de matériels ou
d’hommes parachutés, ou même l’organisation d’opérations de
guérilla....
Dans notre département Edouard Paysant fut le chef de cette organisation dénommée le BOA et créée par Londres… . je suis fier de l’avoir connu Sa silhouette d’homme tranquille ,,présente aux abords du terrain de sport des Ormeaux ne pouvait me laisser soupçonner une telle responsabilité , lourde de dangers , à la merci de trahisons inattendues ou de bavardages imprudents C’est en Aout 1943 lors de son départ précipité de notre région que j’ai mesuré l’importance et l’efficacité de son œuvre
Les
terrains sélectionnés et acceptés par Londres étaient
soigneusement préparés avant de demander une opération aérienne
qu’ elle soit de parachutage ou d’atterrissage Il fallait d’abord
rechercher l’endroit où elle pourrait être effectuée avec le
maximum de chances de réussite et la plus grande sécurité
possible pour les hommes du comité de réception Les normes
exigées de ce que l’on appelait « le terrain »
variaient selon le genre d’opération auquel il était destiné (
voir ci après )
Extrait de « Clandestinités » de Andre M azeline
«
l’âme du BOA fut Edouard Paysant ( pseudo
Dominique Tinchebray )de Sées à qui Robert Aubin confia ce service
en mars1943
E
Paysant déploya une activité inlassable .il sacrifia tout à la
cause qu’il servait Son dévouement , son audace, son allant
firent l’admiration de ceux qui le connurent
Il
forçait l’estime et l’affection par ses qualités d’homme qui
égalaient ses vertus de chef
Dans le
département il prospecta et fit homologuer une vingtaine de terrains
,recruta leur chef et leurs équipes, organisa le service de liaison
par radio avec Londres par courrier avec Paris, dirigea les premieres
réceptions d’armes et de matériel, assura le sauvetage et la
protection d’aviateurs alliés abattus , le camouflage des
réfractaires Toutes les formes de résistance l’intéressaient ,
il ne s’accordait aucun loisir ,aucun répit ,Sa Simca bien connue
des initiés sillonnait en tous sens le département ‘
C’est à la suite du sauvetage
particulierement audacieux des res capés d’une forteresse volante
de l USAF ( deux victimes , six évadés , deux prisonniers)
abattue aux environs de Belfonds à la Pilliére le 4 juillet 1943 qu
il fut recherché par la gestapo avant de prendre différents postes
de responsabilité dans le nord et la Bretagne Il disparut Victime
des georgiens de l’armée Vlassof
La
recherche de terrains était confiée en principe aux responsables
départementaux les emplacements possibles lui étaient signalés
la plupart du temps par les unités de résistance locales
D ans
la recherche de ces terrains Il était toujours préférable de
trouver une grande étendue Les alentours devaient être assez
dégagés pour faciliter la recherche des containers ou paquets
parfois dispersés sur une grande distance ce que ne favorisait pas
le choix d’une forêt attenante
Pas
d’arbustes trop hauts qui pourraient cacher les lumieres du
balisage
Il
était souvent nécessaire que le terrain soit éloigné non
seulement de toute présence de miliciens , d’allemands ‘
susceptibles d’intervenir rapidement mais plus généralement de
toute habitation à moins que les habitants soient bien connus comme
sympathisants et qu’il n’exista aucun risque de dénonciation ou
de bavardage
Recherche
du terrain par l’avion lanceur de containers
Un
bombardier quadrimoteur occupé à larguer des containers et qui
rôde au dessus de la campagne pour rechercher le terrain désigné
après un échange de messages codés repasse souvent plusieurs fois
au même endroit
Ailerons
baissés, à la limite de la vitesse minimale de sustentation,l’avion
descend à 150 métres pôur lâcher ses parachutes , L’équipage
du bombardier concentré dans sa tâche périlleuse et dont le regard
scrute le sol avec une grande attention remet ses moteurs à plein
régime pour reprendre de l’altitude souvent au dernier moment
Ce
type d’operations fait beaucoup de bruit dans le silence de la nuit
et dans une campagne endormie ,obstruée par les nuages , la brume ou
la pluie Cette operation constitue en fait une cible de choix du
point de vue de la chasse allemande malgré la présence de la pleine
lune
Il y
eut bien sûr des échecs… erreur de navigation ,incident
mécanique ,absence du réseau de résistance pour des raisons
indépendantes de leur volonté , terrain invisible , la météo ….
Trop
bas les colis risquaient de s’abimer au contact du sol Trop haut
disperses par le vent et quelquefois hors de portée des résistants
les colis étaient alors ramassés per les allemands ou des mains
étrangéres
Les
..terrains Aurore , Godet lapin,Eclair Goudron,Orage et d’autres
encore environnant notre ville seront le théâtre de parachutages
très risqués ,de containers recueillis par des hommes défiant
tous les dangers
On peut malheureusement citer plusieurs parachutages qui se sont très mal terminés dans notre région, au Merlerault par exemple où plusieurs membres du comité de réception furent arrêtes et déportés ,victimes de dénonciations
Feux de
balisage vus du ciel
……….par
beau temps
Deux
agents secrets en mission ,parachutés au haras des Rouges Terres ,
avec un lot important de containers purent transmettre leurs
messages d’un refuge provisoire chez M Cercueil rue saint martin
à Sées Rapidement
détectés par les camions gonio allemands ,camions mobiles ,
spécialement équipés pour la detection des emetteurs clandestins
,les deux agents secrets purent s’esquiver dans la campagne
environnante dissimulés sous des bottes de paille
Ce
fut .....une guerre de la nuit faite d’organisation perséverante
et de travail ingrat , de résolution méthodique et de mauvaises
surprises , de complicités multiples et d’ingéniosité constante
,de coups de chances et d’avatars imprévus , d’héroisme et de
trahison , de succés et de défaillances jusqu’à ce que ,aprés
bien des sacrifices ,sonne enfin l’heure de la libération »
François Bédarida (institut
d’histoire du temps présent)
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