jeudi 4 février 2016

Sees juin 1944 Un avion oublié





Un avion oublié
       Dans la nuit du 22 au 23 Mai 1944 un avion inconnu en flammes rasait les clochers de la cathédrale avant de s’écraser à la Potence 1 km au nord de Sées Malgré le temps écoulé, c’est une image que je ne pouvais chasser de ma mémoire,  je décidais donc d'enquêter et de déterminer sa nationalité …
Ce qui m’étonnait le plus, après 54 années passées, c’est que notre petite ville ignorait tout de ce drame pour différentes raisons que j’essaie d’énoncer.

 
Ce drame de guerre s’était  produit durant une période particulièrement perturbée en l’occurrence la préparation des troupes alliées à un événement important que tout le monde espérait … le Débarquement
 
Et encore d’autres raisons  qui me semblent évidentes                 
      - Le manque d’informations lié à l’interruption des communications entre les pays belligérants       
      - Quelques rares témoins présents pour constater ce crash …
    - Six victimes  sans  aucun rescapé et leur inhumation rapide par les allemands dans une tombe commune
     - Ajoutons que  les membres de l’équipage seront  « portés disparus «  empêchant toute possibilité de              recherches par les familles
  Et ensuite avec l’écoulement  des années …   l'oubli.
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Après diverses activités et voyages à travers le globe je décidais seulement, en juillet 1998 d’éclaircir le mystère de ce crash. Mais comment procéder ? Je  n’avais plus en mémoire la date précise du drame. 
Je découvrais inopinément sur le registre 1944 du cimetière communal, l’inhumation précipitée ,par les autorités allemandes  dans une fosse commune, de 6 aviateurs inconnus le 22 Mai 1944
Par la suite j’apprenais à la lecture du compte rendu d’enquête du "Commonwealth War Graves Commission" l’exhumation mystérieuse des six victimes par des inconnus et leur transfert au cimetière militaire canadien de Bretteville sur Laize.
Cette date du 22 mai 1944 découverte sur le registre allait me permettre d'entreprendre des recherches auprès des divers ministères Britanniques de la défense et de la Royal Air Force.
Le ministère de la défense me fit connaître sans tarder ( août 1998 ) la liste d’un équipage 
disparu lors du crash d'un bombardier Whitley du 24 OTU (operation training unit) entre Long Marston et Alençon dans la nuit du 22 au 23 mai 1944. Il s’agissait d’un avion spécialisé ( mission Nickel ) dans les  lancements de tracts et la prise de photos stratégiques sur les régions d’Alençon, le Mans et Laval.  


Le doute sur la réalité  de ce crash fut définitivement levé après la découverte du procès verbal de gendarmerie, établi par la brigade locale La brigade à cette époque citant la date précise du 23 Mai 1944 n’était pas en mesure toutefois, d ‘identifier la nationalité de l’avion et de son équipage mais la découverte d’objets divers (foulards de soie représentant l’Europe occupée, une photo, un dictionnaire, une somme d’argent en Francs français) faisait irrémédiablement penser à un avion allié.  


Sans conviction, ,je demandais au journal local "l’Orne hebdo" de publier la liste de l’équipage ( 25 nov 2003)
Et là ce fut la grande surprise ... soixante années … après les faits.
Un témoin, Gérard  Malherbe, arrivé avant moi même sur les lieux du crash en mai 1944 avait découvert la photo d'identité d’un inconnu, ( jeune ,approximativement 22 ans, tenue civile ) sur l’une des victimes.  Il nous apporta d’ailleurs un récit précis et complémentaire des circonstances de l’accident . L’avion avait été touché par la batterie de DCA installée au Pont de la Madeleine prés de la gare.        
Un autre témoin, Gérard  Buvron, rapportait une bague gravée aux initiales WGH Grand Valley, soigneusement polie et conservée précieusement dans un écrin depuis 60 années.

 
Après l’identification de la famille surprise et émue de WGH à Grand valley petite ville de l’Ontario ce fut le début de longues recherches ( nov 2003 ) avec l’aide de Madame Shirley Stone, déterminée et obstinée à découvrir les autres familles dans les divers états …Ontario , Québec , et Colombie britannique.
En contact direct sur Internet et échangeant entre nous, la bagatelle de plus de 300 e-mail, elle réussit après de longues recherches à contacter les familles en  m’informant en permanence des résultats obtenus.  
Annonces Royal Canadian Air Force, courrier, communications téléphoniques, articles dans divers journaux  Globe and mail, Vittoria booster, la tribune du Québec, la TV canadienne, Internet furent les moyens couramment utilisés
Le portrait de l’inconnu rapporté par Gérard Malherbe était celui du pilote David Goodwin marié juste avant son départ pour l’Europe et identifié par l’ un de ses camarades d’école.
Aux familles Harris, Hong, Wickoff, Jacques, Hopper et Goodwin,  j’ai pu adresser dans les mois à suivre une lettre explicative sur le lieu, les circonstances du crash et les emplacements respectifs des tombes. 

Collage réalisé par mme Shirley Stone
 














Ainsi je constatais:
Que les membres de l'équipage étaient "portés disparus" et que toutes les familles non informées par leur gouvernement, ignoraient le lieu et les circonstances du drame et, fait incroyable, l'existence des tombes de Bretteville sur Laize                  
La télévision canadienne et les divers journaux des états concernés ne tardèrent pas évoquer les circonstances , le lieu mais surtout la non-information des familles laissées à l’abandon à l’issue de ce drame.
 Combien d’années de recherches,  d’angoisse, de questions sans réponses pour toutes ces familles ?
Et depuis d’une façon unanime elles nous font part de leurs sentiments
 « Notre vie a changé depuis la connaissance du lieu de ce drame , nous avons retrouvé nos êtres chers et nous découvrons enfin des moments insoupçonnés de leur vie avant leur départ outremer, mais aussi leur volonté, leur courage, leur engagement pour la nation, leur attachement à la famille avant que leurs destinées ne basculent dans la tragédie.  Les mots ne pourront jamais traduire tous nos sentiments après la découverte de ces tombes  »

Roger Cornevin-Hayton.

Pour voir l'article sur la TV canadienne  Cliquez ici 
(il y a un clip vidéo a voir sur la droite de la page)




 
Merci de demander l'autorisation de l'auteur pour une publication partielle ou complète de ce récit

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