Un avion oublié
Dans la nuit du 22 au
23 Mai 1944
un avion inconnu en flammes
rasait les clochers de la cathédrale avant de s’écraser à la
Potence 1 km au nord de Sées Malgré le temps écoulé, c’est une
image que je ne pouvais chasser de ma mémoire, je décidais
donc d'enquêter et de déterminer
sa nationalité …
Ce
qui m’étonnait le plus, après 54 années passées, c’est que notre
petite ville ignorait tout de ce drame pour différentes raisons
que j’essaie d’énoncer.
Ce
drame de guerre s’était produit
durant une période particulièrement perturbée en l’occurrence la préparation
des troupes alliées à un événement important que tout le monde espérait
… le Débarquement …
Et
encore d’autres raisons qui
me semblent évidentes
-
Le manque d’informations lié à l’interruption des communications
entre les pays belligérants
-
Quelques rares témoins présents
pour constater ce crash …
-
Six victimes sans
aucun rescapé et leur inhumation rapide par les allemands dans une
tombe commune
- Ajoutons que les membres de
l’équipage seront « portés
disparus « empêchant toute possibilité de
recherches par les familles
Et ensuite avec l’écoulement
… des années …
l'oubli.
-
Après
diverses activités et voyages à travers le globe je décidais seulement,
en juillet 1998 d’éclaircir le mystère
de ce crash. Mais comment procéder ? Je
n’avais plus en mémoire la date précise du drame.
Je
découvrais inopinément sur le registre 1944 du cimetière communal,
l’inhumation précipitée ,par les autorités allemandes
dans une fosse commune, de 6 aviateurs inconnus le 22 Mai
1944
Par
la suite j’apprenais à la lecture du compte rendu d’enquête du
"Commonwealth War Graves Commission" l’exhumation mystérieuse
des six victimes par des inconnus
et leur transfert au cimetière militaire canadien de Bretteville sur
Laize.
Cette
date du 22 mai 1944 découverte sur le registre allait me permettre
d'entreprendre des recherches auprès des divers ministères Britanniques de
la défense et de la Royal Air Force.
Le
ministère de la défense me fit
connaître sans tarder ( août 1998
) la liste d’un équipage
disparu
lors du crash d'un bombardier Whitley du 24 OTU (operation training unit) entre Long Marston et Alençon dans
la nuit du 22 au 23 mai 1944. Il s’agissait d’un avion
spécialisé ( mission
Nickel ) dans les
lancements de tracts et la
prise de photos
stratégiques sur les régions d’Alençon, le Mans et Laval.
Le
doute sur la réalité
de ce crash fut définitivement
levé après la découverte du
procès verbal de gendarmerie, établi par la brigade locale
La brigade à cette époque citant la date précise du 23 Mai 1944
n’était pas en mesure toutefois, d ‘identifier
la nationalité de l’avion et de son équipage mais la découverte
d’objets divers (foulards de soie représentant l’Europe occupée, une
photo, un dictionnaire, une somme d’argent en Francs français) faisait
irrémédiablement penser à un avion allié.
Sans
conviction, ,je demandais au journal local "l’Orne hebdo"
de publier la liste de l’équipage
( 25 nov 2003)
Et
là ce fut la grande surprise ... soixante années … après les faits.
Un
témoin, Gérard Malherbe,
arrivé avant moi même sur les lieux du crash en mai 1944 avait découvert
la photo d'identité d’un inconnu, ( jeune ,approximativement 22
ans, tenue civile ) sur l’une des
victimes. Il nous apporta
d’ailleurs un récit précis et complémentaire des circonstances de
l’accident . L’avion avait été touché par la batterie de DCA
installée au Pont de la Madeleine prés de la gare.
Un
autre témoin, Gérard Buvron,
rapportait une bague gravée aux initiales
WGH Grand Valley, soigneusement polie et
conservée précieusement dans un écrin depuis 60 années.
Après
l’identification de la famille surprise et émue de WGH
à Grand valley petite ville de l’Ontario ce fut le début de
longues recherches ( nov 2003 )
avec l’aide de Madame Shirley Stone, déterminée et obstinée à découvrir
les autres familles dans les divers états …Ontario , Québec , et
Colombie britannique.
En
contact direct sur Internet et échangeant entre nous, la bagatelle
de plus de 300 e-mail, elle réussit
après de longues recherches à contacter les
familles en m’informant
en permanence des résultats obtenus.
Annonces
Royal Canadian Air Force, courrier, communications téléphoniques,
articles dans divers journaux Globe
and mail, Vittoria booster, la tribune du Québec, la TV canadienne, Internet
furent les moyens couramment utilisés
Le
portrait de l’inconnu rapporté par Gérard Malherbe était celui du
pilote David Goodwin marié juste avant son départ pour l’Europe et
identifié par l’ un de ses camarades d’école.
Aux
familles Harris, Hong, Wickoff, Jacques, Hopper et Goodwin,
j’ai pu adresser dans les mois à suivre une lettre explicative
sur le lieu, les circonstances du crash et les emplacements
respectifs des tombes.
Collage
réalisé par mme Shirley Stone
Ainsi
je constatais:
Que
les membres de l'équipage étaient "portés disparus" et que
toutes les familles non informées par leur gouvernement, ignoraient le
lieu et les circonstances du drame et, fait incroyable, l'existence des
tombes de Bretteville sur Laize
La
télévision canadienne et les divers journaux des états concernés ne tardèrent
pas évoquer les circonstances , le lieu mais surtout la non-information
des familles laissées à l’abandon à l’issue de ce drame.
Combien
d’années de recherches, d’angoisse,
de questions sans réponses pour
toutes ces familles ?
Et
depuis d’une façon unanime elles nous
font part de leurs sentiments
« Notre
vie a changé depuis la connaissance du lieu
de ce drame
, nous avons retrouvé nos êtres chers et nous découvrons
enfin des moments insoupçonnés de
leur vie avant leur départ outremer, mais aussi
leur volonté, leur courage, leur engagement pour la nation, leur
attachement à la famille avant que
leurs destinées ne basculent dans la tragédie.
Les mots ne pourront jamais traduire
tous nos sentiments après la découverte
de ces tombes
»
Roger
Cornevin-Hayton.
(il
y a un clip vidéo a voir sur la droite de la page)
Merci
de demander l'autorisation de l'auteur pour une publication partielle
ou complète de ce récit
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