Extraits
de mon journal de L'occupation (
Période Mai 1940 à Août 1944 )
En
voulant mettre de l'ordre dans mes tiroirs ,je me suis perdu dans le
flou des images de ma jeunesse ...
Désir
d'amasser des souvenirs pour le futur , de revivre quelques moments
tragiques de la vie familiale ,j'ai eu l'idée depuis ma tendre
enfance de consigner sur mes carnets ,fidéles compagnons de voyage
....une foule de faits et de détails appartenant au passé , au fur
et à mesure de leur déroulement ..
J'ai
donc tout noté ...tant que les mots ...résonnaient encore à mes
oreilles et que les images me restaient en mémoire ,les faits , mes
impressions ,mes réactions et ceci pour la postérité ... Et en
particulier cette journée de cauchemar du 4 Juillet 1943 , sorte de
cataclysme qui s'abattit sur notre petite ville , cataclysme qui mêla
au sein de la population les sentiments les plus divers et les plus
opposés ,....patriotisme , courage ,délation ,
Avant
d'entamer cette journée,je ne puis éviter de faire une
restrospective des trois années passées sous la botte germanique en
me plongeant dans la lecture des notes personnelles prises au hasard
des péripéties les plus diverses .
Une
partie de mon journal mémorisant les événements des années de
jeunesse antérieures à Mai 1940 ,ayant disparu dans le pillage de
notre maison ,place du Parquet ....,j'ai donc repris la chronologie
des événements depuis cette date et résumé les faits principaux .
Trouville
,notre paradis ,notre plage de rêve et notre piscine aux eaux bleues
appartiennent alors au passé . De notre plage située prés de la
rue d'Orléans et de l'aire de jeux , je me souviens que j'ouvrais
grand les yeux pour regarder derriére les voiles lointaines ...si je
n'apercevais pas par hasard l'Amérique . Une fascination de jeunesse
et en même temps une mélancolie inexprimable .... projetée dans
l'inconnu ...l'inconnu du grand large et des tropiques que je
découvrirai peut être un jour !( 1)
Notre
président Albert Lebrun présente alors ses voeux à la population
Française "" Nous avons la ferme conviction que 1940 sera
une année plus heureuse pour toute l'humanité "
Dés
Septembre 1939 aprés la déclaration de guerre à l'Allemagne ,la
défense passive s'organise dans notre petite ville , comme dans
toutes les villes de France . .Mon pére y apporte une large
contribution et se retrouve chef d'ilôt . A l'école on fait
l'essayage des masques à gaz ...et c'est encore là ,une bonne
occasion de se divertir
L'état
d'alerte , décide la municipalité sera annonçé par des sirénes
,les tocsins et... le clairon s'il y a lieu . Les verriéres
,vasistas et toutes ouvertures laissant filtrer la lumiére ,devront
être peints en bleu fonçé pour ne pas attirer l'attention de
l'aviation ...allemande ... bien entendu . La nôtre on ne la voit
pas ! Si une fois ...un autogyre Français haut dans le ciel !
L'unique vasistas du grenier ...est donc teint en bleu par sécurité
!
Les
motards militaires Anglais roulent à une vitesse folle sur nos
routes ,...et quelquefois à gauche .L'un d'eux vient de se tuer au
passage à niveau de la Madeleine
Si
je comprends bien ,il ne se passe rien sur le front ... le combattant
se confond souvent avec un guetteur qui veille ,l'oeil et les
oreilles aux aguets aux avant postes d'une ligne Maginot réputée
infranchissable avec pour seule moisson ces trois lettres R.A.S.
Mais
la perçée de Sedan ouvre à la Werhmacht les portes de la France
,c'est l'exode et le début des illusions perdues .Une longue
procession de réfugiés progresse vers le Sud ...Ma communion du 19
Mai 40 se déroule au pas de course pour laisser passer les voitures
,chars nordiques et Ardennais et véhicules de toutes sortes .La
famille est absente ,pas de repas de communion ,les routes sont trop
dangereuses ...surveillées par les stukas
Trois
mille repas vont être distribués pendant plus de 15 jours
consécutifs aux différents centres d'accueil ,avec la
contribution... des "Coeurs Vaillants " patronage auquel
nous appartenons Jean et moi . Un bureau de la Croix rouge ést alors
installe à la mairie . La gare fourmille de voyageurs fébriles et
anxieux en attente d'un départ du train vers un lieu inconnu .. Les
portes claquent ,les mouchoirs s'agitent . Sur le quai noir de monde
chaque coeur qui bat ...bat certainement d'inquiétude ...
Tandis
que l'école ,périmètre sacré où la morale et la discipline
rêgnent en maitre nous délivre de ses contraintes ,Charles Trenet "
le fou chantant "chevelure flambloyante nous interpréte des
airs pleins de jeunesse et d'invention ... sûrement pour nous
remonter le moral .
Il
incarne la joie de vivre au moment où les nuages s'amoncellent sur
l'Europe .
Aprés
les bombardements des 14 et 16 juin , plusieurs quartiers de notre
petite ville sont détruits . Une centaine de morts à l'Adoration
,au cercle catholique ,l'évéché ,l'institution Saint Joseph
,l'école libre et la rue Montjaloux .Devant les risques encourus
nous trouvons un refuge de fortune dans une petite ferme du Meurger
chez Madame Favry veuve de guerre aidée par ses enfants Constant et
Simone et le "pére Jardinet " . Dans cette modeste ferme
décrépie par deux siécles de vent et de pluie le grand silence de
la nuit est uniquement troublé par le crissement des grillons ... Ce
n'est plus la place du Parquet comparée à certains moments aux
"forges de Vulcain" !
Dans
cette campagne au visage d'angoisse, subsistent encore aujourd'hui
quelques images ... la pêche avec Jean parmi une horde de canards en
goguette , le réveil de la basse cour aux premiéres heures du jour
, le grenier à foin , la conduite des chevaux le matin à
l'abreuvoir aprés avoir échappé au "calva "matinal , et
enfin , l'arrivée des premiers motards allemands ,"cavaliers de
l'enfer" couverts de poussiére sous les fenêtres du haras et
...le regard anxieux des parents ....,
Je
ne pouvais donc rester indifférent au déferlement des événements
et à la vision de ces images fortes ,difficiles à chasser de ma
mémoire .
Charley
,au volant de sa Matford ... 21 litres au cent avait embarqué vers
le Sud la nombreuse famille des neveux et niéces ,pour un long
périple de dix sept jours,aprés un passage laborieux de la Loire à
Blois parmi des milliers de réfugiés . Le probléme... c'est que
les allemands arrivérent en même temps que lui au haras de
Rotschild et lui réquisitionnérent sa voiture pendant deux jours
....
De
notre refuge ,quand le vent est favorable ,on essaie de percevoir
dans le lointain le son des cloches de la cathédrale . Mais que se
passe t il dans notre petite ville ?
Dans
notre campagne c'est la pêche ,....encore la pêche qui prédomine
dans la douceur des ombrages .Avec Jean ,on entend rarement les
appels du déjeuner et du dîner ,ces rites d'adultes qui ont tout
oublié du rêve et de l'aventure ...
Je
reprends le déroulement des événements depuis Mai 1940 ,je suis
obligé de noter avec regret que la plupart des maisons de Sées et
en particulier les commerces ont été pillés et mis à sac par les
réfugiés de passage , les troupes françaises en déroute et
certains habitants de la ville et ceci bien avant l'arrivée des
troupes allemandes dans notre petite ville . Une calamité !
Notre
magasin a été totalement dévasté ,les chambres pillées par une
horde de
vandales
qui en dehors des parfums et produits de toutes sortes ont pulvérisé
... cadres de photos ,cadeaux ,objets personnels et ...mon journal !
Le
magasin de notre voisin coiffeur , Frémiot ( 2 ) a subi le même
sort ainsi que tous les commerces de la ville . Une désolation ....
que ces pillages par les habitants de la ville
N.P.
1997
Notre
voisin Albert Frémiot ,victime de la bande à Jardin ,sera fusillé
par la gestapo à L'home Chamodot le Août 1944 avec Jean Mazeline
notre professeur d'Anglais et Géographie au cours complémentaire de
Sées .
Notre
autre voisin ,le docteur Melun disparaitra en déportation à
Auschwitz en Décembre 1943
De
retour à Sées ,nous ne pouvons que constater le pillage de la
maison et l'amoncellement de toutes sortes de débris dans nos
chambres
Lors
du bombardement , un énorme pavé a traversé la toiture avant de
choir sur le lit de Fernande ,l'employée chargée de nous surveiller
!
Sous
nos fenêtres les allemands harassés aprés une longue marche
...,uniformes gris vert ,mauser et masque à gaz en bandouliére ,
forment leur faisceaux aux pieds de la statue de Conté ..
En
Juin le gouvernement s'installe à Vichy à l'hotel du Parc . L'appel
du 18 Juin nous ne pouvons pas l'entendre ...Plus de T.S.F.! . La
ligne de démarcation coupe la France en deux . Plus question d'aller
à Montluçon chez mon oncle et ma tante ... et chez mon grand pére
de Vibraye . Ce grand pére, soldat dans le régiment territorial de
Mamers avait connu la guerre de 14 .....mais derriére les barbelés
allemands à Paderborn au sud de Hanovre .
En
effet prisonnier des les premiers jours de guerre ..il avait eu pour
mission nous répétait il de creuser des tranchées... le plus prés
possible des lignes allemandes ...
Enfin
pour le moment ,de notre fenêtre l'image de ces gigantesques
officiers SS ,arpentant avec arrogance la place du Parquet et
exigeant le salut des sagiens nous impressionne ...et en face de
notre maison ...la kommandantur s'installe dans les bureaux de la
mairie . L'étendard à croix gammée flotte au vent au dessus de la
porte d'entrée
Depart
pour l Angleterre
Pondichéry
Chandernagor Karikal Yannaon , Mahé comme la litanie des
sous prefectures de l hexagone ces cinq noms constituaient l un des
tests de l 'école primaire à l époque où la tache rose de la
France d outre mer s "étendait sur les planisphères Les
établissements de l' inde ballottés pendant un demi siéccle entre
Paris et Londres aprés l 'écroulement du réve de Dupleix sont
restitués à la France en 1814 avec quelques autres vestiges de son
premier empire colonial
C
est ce que nous enseignait le pére M instituteur à l école
communale.... Coup de chance nous avions eu le sujet au certificat d'
études qui se déroulait à l école communale de Sées place
Voltaire mais il faut attendre Napoléon III pour que la
métropole s intéresse de nouveau à ces comptoirs éparpillés le
long des cotes de l inde anglaise
A
Londres lors d un long séjour dans la capitale une vieille dame
veuve d un officier de sa majesté me montrait les glorieux
trophées rapportés par son mari lors de son retour des indes dans
la fière Angleterre
C
était en 1948 lors des premiers jeux olympiques d aprés guerre et
ces glorieux trophées qui tapissaient les murs me faisaient rêver
alors que j étais hébergé dans les quartiers chics de la vieille
Angleterre aprés 4 ans et deux mois
d
,occupation dans notre douce France et un long séjour à Northwick
park sous la tente
La
France avait remporté 9 médailles d or derrière les Etats unis et
la Suéde ..une performance après PLUS de 4 années
d
inactivité
Fini
les bruits de bottes des patrouilles , sur les pavés de notre
vieille ville ;;; plus d heure limite
Huit
allemands par jour pendant durant quatre' longues années et deux
mois …. faites le compte dans notre salon place du Parquet
sauf le lundi et le dimanche après midi bien su
r
Là
j étais à Londres.....
j
avais bien sûr visité la capitale où les ruines subsistaient
encore aprés le blitz qui avait failli anéantir les ambitions du
grand Churchill l homme qui avait permis à la France de résister et
de se relever de ses ruines
je
n'oublierai jamais l accueil des anglais curieux de tout mais
ignorants de l activité de leurs troupes durant cette période où
leurs différents corps d arme s étaient particuliérement
distingués
L'aide
apportée aux resistants;;;;;n 'oublions pas que nous leur devons
beaucoup à cette Angleterre éternelle ennemie Comme l 'histoire
est bizarre Nos grands ennemis au travers des siécles mais amis
fidéles pour lutter de concert contre le grand Reich
L
'ecoute de la BBC ,suffisait à nous convaincre de la volonté de nos
alliés à combattre un ennemi commun
,Ne
serait c que l assistance apportée aux résistants la
nuit lors de parachutages au dessus
de nos forêts , tous feux éteints sur un terrain minuscule aprés
quelques heures de vol
Décollage
de TEMPSFORD Survoler Londres perdue dans le brouillard !
,Traverser
la Manche surveillée par la luftwaffe avant de percevoir parmi les
feux de balisage perdus dans la forêt le point d atterrissage
prévu des containers remplis d armes
Un
rien ….et le raid échouait ….
L 'équipe des resistants interceptée ,le mauvais temps , la panne mécanique inattendue ,l avion abattu …..
Accompagnant
Noel Archer officier enquéteur du « missing research de
la RAF » j ai eu la possibilité de juger de leur volonté d
apporter toute assistance à l identification des victimes du crash
mais aussi d assurer dans les meilleures conditions les meilleures
relations possibles avec les français
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