dimanche 24 février 2019

Extraits de mon journal de L'occupation ( Période Mai 1940 à Août 1944 )

Extraits de mon journal de L'occupation ( Période Mai 1940 à Août 1944 )


En voulant mettre de l'ordre dans mes tiroirs ,je me suis perdu dans le flou des images de ma jeunesse ...

Désir d'amasser des souvenirs pour le futur , de revivre quelques moments tragiques de la vie familiale ,j'ai eu l'idée depuis ma tendre enfance de consigner sur mes carnets ,fidéles compagnons de voyage ....une foule de faits et de détails appartenant au passé , au fur et à mesure de leur déroulement ..
J'ai donc tout noté ...tant que les mots ...résonnaient encore à mes oreilles et que les images me restaient en mémoire ,les faits , mes impressions ,mes réactions et ceci pour la postérité ... Et en particulier cette journée de cauchemar du 4 Juillet 1943 , sorte de cataclysme qui s'abattit sur notre petite ville , cataclysme qui mêla au sein de la population les sentiments les plus divers et les plus opposés ,....patriotisme , courage ,délation ,
Avant d'entamer cette journée,je ne puis éviter de faire une restrospective des trois années passées sous la botte germanique en me plongeant dans la lecture des notes personnelles prises au hasard des péripéties les plus diverses .

Une partie de mon journal mémorisant les événements des années de jeunesse antérieures à Mai 1940 ,ayant disparu dans le pillage de notre maison ,place du Parquet ....,j'ai donc repris la chronologie des événements depuis cette date et résumé les faits principaux .

Trouville ,notre paradis ,notre plage de rêve et notre piscine aux eaux bleues appartiennent alors au passé . De notre plage située prés de la rue d'Orléans et de l'aire de jeux , je me souviens que j'ouvrais grand les yeux pour regarder derriére les voiles lointaines ...si je n'apercevais pas par hasard l'Amérique . Une fascination de jeunesse et en même temps une mélancolie inexprimable .... projetée dans l'inconnu ...l'inconnu du grand large et des tropiques que je découvrirai peut être un jour !( 1)

Notre président Albert Lebrun présente alors ses voeux à la population Française "" Nous avons la ferme conviction que 1940 sera une année plus heureuse pour toute l'humanité "
Dés Septembre 1939 aprés la déclaration de guerre à l'Allemagne ,la défense passive s'organise dans notre petite ville , comme dans toutes les villes de France . .Mon pére y apporte une large contribution et se retrouve chef d'ilôt . A l'école on fait l'essayage des masques à gaz ...et c'est encore là ,une bonne occasion de se divertir
L'état d'alerte , décide la municipalité sera annonçé par des sirénes ,les tocsins et... le clairon s'il y a lieu . Les verriéres ,vasistas et toutes ouvertures laissant filtrer la lumiére ,devront être peints en bleu fonçé pour ne pas attirer l'attention de l'aviation ...allemande ... bien entendu . La nôtre on ne la voit pas ! Si une fois ...un autogyre Français haut dans le ciel ! L'unique vasistas du grenier ...est donc teint en bleu par sécurité !
Les motards militaires Anglais roulent à une vitesse folle sur nos routes ,...et quelquefois à gauche .L'un d'eux vient de se tuer au passage à niveau de la Madeleine
Si je comprends bien ,il ne se passe rien sur le front ... le combattant se confond souvent avec un guetteur qui veille ,l'oeil et les oreilles aux aguets aux avant postes d'une ligne Maginot réputée infranchissable avec pour seule moisson ces trois lettres R.A.S.
Mais la perçée de Sedan ouvre à la Werhmacht les portes de la France ,c'est l'exode et le début des illusions perdues .Une longue procession de réfugiés progresse vers le Sud ...Ma communion du 19 Mai 40 se déroule au pas de course pour laisser passer les voitures ,chars nordiques et Ardennais et véhicules de toutes sortes .La famille est absente ,pas de repas de communion ,les routes sont trop dangereuses ...surveillées par les stukas
Trois mille repas vont être distribués pendant plus de 15 jours consécutifs aux différents centres d'accueil ,avec la contribution... des "Coeurs Vaillants " patronage auquel nous appartenons Jean et moi . Un bureau de la Croix rouge ést alors installe à la mairie . La gare fourmille de voyageurs fébriles et anxieux en attente d'un départ du train vers un lieu inconnu .. Les portes claquent ,les mouchoirs s'agitent . Sur le quai noir de monde chaque coeur qui bat ...bat certainement d'inquiétude ...

Tandis que l'école ,périmètre sacré où la morale et la discipline rêgnent en maitre nous délivre de ses contraintes ,Charles Trenet " le fou chantant "chevelure flambloyante nous interpréte des airs pleins de jeunesse et d'invention ... sûrement pour nous remonter le moral .
Il incarne la joie de vivre au moment où les nuages s'amoncellent sur l'Europe .

Aprés les bombardements des 14 et 16 juin , plusieurs quartiers de notre petite ville sont détruits . Une centaine de morts à l'Adoration ,au cercle catholique ,l'évéché ,l'institution Saint Joseph ,l'école libre et la rue Montjaloux .Devant les risques encourus nous trouvons un refuge de fortune dans une petite ferme du Meurger chez Madame Favry veuve de guerre aidée par ses enfants Constant et Simone et le "pére Jardinet " . Dans cette modeste ferme décrépie par deux siécles de vent et de pluie le grand silence de la nuit est uniquement troublé par le crissement des grillons ... Ce n'est plus la place du Parquet comparée à certains moments aux "forges de Vulcain" !

Dans cette campagne au visage d'angoisse, subsistent encore aujourd'hui quelques images ... la pêche avec Jean parmi une horde de canards en goguette , le réveil de la basse cour aux premiéres heures du jour , le grenier à foin , la conduite des chevaux le matin à l'abreuvoir aprés avoir échappé au "calva "matinal , et enfin , l'arrivée des premiers motards allemands ,"cavaliers de l'enfer" couverts de poussiére sous les fenêtres du haras et ...le regard anxieux des parents ....,

Je ne pouvais donc rester indifférent au déferlement des événements et à la vision de ces images fortes ,difficiles à chasser de ma mémoire .
Charley ,au volant de sa Matford ... 21 litres au cent avait embarqué vers le Sud la nombreuse famille des neveux et niéces ,pour un long périple de dix sept jours,aprés un passage laborieux de la Loire à Blois parmi des milliers de réfugiés . Le probléme... c'est que les allemands arrivérent en même temps que lui au haras de Rotschild et lui réquisitionnérent sa voiture pendant deux jours ....

De notre refuge ,quand le vent est favorable ,on essaie de percevoir dans le lointain le son des cloches de la cathédrale . Mais que se passe t il dans notre petite ville ?
Dans notre campagne c'est la pêche ,....encore la pêche qui prédomine dans la douceur des ombrages .Avec Jean ,on entend rarement les appels du déjeuner et du dîner ,ces rites d'adultes qui ont tout oublié du rêve et de l'aventure ...

Je reprends le déroulement des événements depuis Mai 1940 ,je suis obligé de noter avec regret que la plupart des maisons de Sées et en particulier les commerces ont été pillés et mis à sac par les réfugiés de passage , les troupes françaises en déroute et certains habitants de la ville et ceci bien avant l'arrivée des troupes allemandes dans notre petite ville . Une calamité !
Notre magasin a été totalement dévasté ,les chambres pillées par une horde de
vandales qui en dehors des parfums et produits de toutes sortes ont pulvérisé ... cadres de photos ,cadeaux ,objets personnels et ...mon journal !
Le magasin de notre voisin coiffeur , Frémiot ( 2 ) a subi le même sort ainsi que tous les commerces de la ville . Une désolation .... que ces pillages par les habitants de la ville

N.P. 1997

Notre voisin Albert Frémiot ,victime de la bande à Jardin ,sera fusillé par la gestapo à L'home Chamodot le Août 1944 avec Jean Mazeline notre professeur d'Anglais et Géographie au cours complémentaire de Sées .
Notre autre voisin ,le docteur Melun disparaitra en déportation à Auschwitz en Décembre 1943

De retour à Sées ,nous ne pouvons que constater le pillage de la maison et l'amoncellement de toutes sortes de débris dans nos chambres
Lors du bombardement , un énorme pavé a traversé la toiture avant de choir sur le lit de Fernande ,l'employée chargée de nous surveiller !
Sous nos fenêtres les allemands harassés aprés une longue marche ...,uniformes gris vert ,mauser et masque à gaz en bandouliére , forment leur faisceaux aux pieds de la statue de Conté ..
En Juin le gouvernement s'installe à Vichy à l'hotel du Parc . L'appel du 18 Juin nous ne pouvons pas l'entendre ...Plus de T.S.F.! . La ligne de démarcation coupe la France en deux . Plus question d'aller à Montluçon chez mon oncle et ma tante ... et chez mon grand pére de Vibraye . Ce grand pére, soldat dans le régiment territorial de Mamers avait connu la guerre de 14 .....mais derriére les barbelés allemands à Paderborn au sud de Hanovre .
En effet prisonnier des les premiers jours de guerre ..il avait eu pour mission nous répétait il de creuser des tranchées... le plus prés possible des lignes allemandes ...

Enfin pour le moment ,de notre fenêtre l'image de ces gigantesques officiers SS ,arpentant avec arrogance la place du Parquet et exigeant le salut des sagiens nous impressionne ...et en face de notre maison ...la kommandantur s'installe dans les bureaux de la mairie . L'étendard à croix gammée flotte au vent au dessus de la porte d'entrée


Depart pour l Angleterre
Pondichéry  Chandernagor Karikal  Yannaon , Mahé  comme la litanie des sous prefectures de l hexagone ces cinq noms constituaient l un des tests de l 'école primaire à l époque où la tache rose de la France d outre mer s "étendait sur les planisphères Les établissements de l' inde ballottés pendant un demi siéccle entre Paris et Londres aprés l 'écroulement du réve de Dupleix sont restitués à la France en 1814 avec quelques autres vestiges de son premier empire colonial
C est ce que nous enseignait le pére M instituteur à l école communale.... Coup de chance nous avions eu le sujet au certificat d' études qui se déroulait à l école communale de Sées place Voltaire  mais il faut attendre Napoléon III pour que la métropole s intéresse de nouveau à ces comptoirs éparpillés le long des cotes de l inde anglaise 

A Londres lors d un long séjour dans la capitale une vieille dame veuve d un officier de sa majesté me montrait  les glorieux trophées rapportés par son mari lors de son retour des indes dans la fière Angleterre 
C était en 1948 lors des premiers jeux olympiques d aprés guerre et ces glorieux trophées qui tapissaient les murs me faisaient rêver  alors que j étais hébergé dans les quartiers chics de la vieille Angleterre aprés 4 ans et deux mois
d ,occupation dans notre douce France et un long séjour à Northwick park sous la tente

La France avait remporté 9 médailles d or derrière les Etats unis et la Suéde ..une performance après PLUS de  4 années
d inactivité
Fini les bruits de bottes des patrouilles , sur les pavés de notre vieille ville ;;; plus d heure limite
Huit allemands par jour pendant durant quatre' longues années et deux mois …. faites le compte dans notre salon place du Parquet sauf le lundi et le dimanche après midi bien su

r



Là j étais à Londres.....

j avais bien sûr visité la capitale où les ruines subsistaient encore aprés le blitz qui avait failli anéantir les ambitions du grand Churchill l homme qui avait permis à la France de résister et de se relever de ses ruines  


je n'oublierai jamais l accueil des anglais curieux de tout mais ignorants de l activité de leurs troupes durant cette période où leurs différents corps d arme s étaient particuliérement distingués 
L'aide apportée aux resistants;;;;;n 'oublions pas que nous leur devons beaucoup à cette Angleterre éternelle ennemie Comme l 'histoire est bizarre Nos grands ennemis au travers des siécles mais amis fidéles pour lutter de concert contre le grand Reich
L 'ecoute de la BBC ,suffisait à nous convaincre de la volonté de nos alliés à combattre un ennemi commun

,Ne serait c que l assistance  apportée aux résistants la nuit lors de parachutages au dessus de nos forêts , tous feux éteints sur un terrain minuscule aprés quelques  heures de vol 

Décollage de TEMPSFORD Survoler Londres perdue dans le brouillard !
,Traverser la Manche surveillée par la luftwaffe avant de percevoir parmi les feux de balisage perdus dans la forêt le point   d atterrissage prévu des containers remplis d armes 

Un rien ….et le raid échouait ….

L 'équipe des resistants interceptée ,le mauvais temps , la panne mécanique inattendue ,l avion abattu …..
Accompagnant Noel Archer officier enquéteur du  « missing research de la RAF » j ai eu la possibilité de juger de leur volonté d apporter toute assistance à l identification des victimes du crash mais aussi d assurer dans les meilleures conditions les meilleures relations possibles avec les français




 1948

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire